3 octobre 2014

Etudiant africain: Doctorat et après?

PhD-graduate-007

La noblesse de ce titre fait grincer plus d’un chez nous en Afrique. C’était le rêve de nos parents, c’est devenu aussi le nôtre. Un rêve ou presqu’une chimère? Voyons voir!

Que je me souvienne, en commençant mes études universitaires, j’ai toujours été animé par ce besoin impérieux d’aller jusqu’au doctorat. Non pas à cause de la majesté du titre, parce que mon père me le rappelait sans cesse: « il faut que tu deviennes Docteure ». Comprenez-le, c’est sa fierté de papa africain qui parlait, toujours voir plus grand, c’est le maître-mot de mon père. Je le comprenais cependant, car voir sa fille arborer fièrement sa robe de docteure est chez nous, synonyme de réussite sociale.

Bref, mes longues années d’études supérieures m’ont conforté dans cette idée de voler encore plus. Mais attention, à ne pas se brûler les ailes. Mon Master en Economie en poche, je me suis murer dans une profonde réflexion à propos des études doctorales que j’allais ou pas entamer. Oui, c’est bien beau d’être Docteure en Economie, en Droit ou en  Sciences, mais après la suite c’est quoi. Il faut surtout savoir instrumentaliser, concrétiser, parfaire tout cette recherche scientifique aussi bien en théorie ou en pratique car l’un n’exclue pas l’autre.

J’en viens à penser que l’étudiant africain qui souhaite se lancer dans des études doctorales doit se poser une pléthore de questions dont celle-ci: la recherche scientifique que je vais mener va t’elle accoucher d’une idée révolutionnaire pour le développement du continent? Car il faut le dire, le titre de Docteure trouve toute sa quintessence dans le fait même de créer, d’inventer, de solutionner un problème. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle, j’ai abandonné le navire. Certes, je n’ai pas la science infuse et reconnaît ne pas être un puits de science non plus. Mais les savoirs accumulés tout au long de mon parcours ont été, quelque peu heurtés par la violence de la dernière crise économique et financière. Voyez-vous, ce choc économique de grande ampleur a ébranlé les théories de ces grands économistes chevronnés dont je tairais le nom. Ils se sont tous trompés finalement j’ai eu envie de dire. Je me suis donc posée la question: serais-je capable d’apporter un plus à la science économique?

En poussant plus loin, on se rend compte que, nombreux sont aujourd’hui,  les universitaires africains qui s’engagent dans des études doctorales. J’en connais pas mal, (de mes ex-camarades de classe) qui poursuivent ce rêve de revêtir un jour ce titre. Mais aujourd’hui, à mi-chemin des trois années exigées pour le doctorat, ils se demandent si cela était nécessaire. Car, comme une illumination, ils sentent désormais que la tâche est difficile, que la probabilité d’apporter sa pierre à la construction de l’édifice est infinitésimale. Bref, je parle pour ceux qui sont évidemment en Economie où la logique veut que l’étudiant en doctorat soit capable de mener une recherche scientifique potentiellement exploitable.

D’ailleurs, pour appuyer du moins (partiellement) mes dires, la Banque mondiale et Elsevier tirait il y a quelques jours, la sonnette d’alarme dans leur dernier rapport. Leur constat est clair, la recherche scientifique n’est plus porteur de croissance économique. Certes, le volume de la recherche a littéralement doublé au cours de ces dix dernières années: l’Afrique compte de plus en plus de doctorants que cela soit en sciences physiques, ingénierie, technologiques et mathématiques. En revanche,  le seul bémol, c’est la part faible de l’Afrique dans la production mondiale de la recherche scientifique. Avoisinant les 1%, elle est loin de satisfaire les besoins de croissance (trop de doctorants, beaucoup moins de production pour l’Afrique).

Pour la Banque mondiale, il ne s’agit pas non plus, de freiner l’ardeur des étudiants africains à aller jusqu’au doctorat mais il faut à tout prix revoir les priorités africaines en matière de recherche scientifique. Si l’on en croit les chiffres du rapport: la santé constitue 45% de l’ensemble de la recherche sur le continent alors que les sciences physiques et les disciplines liées aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques ne représentent que 29% de la recherche. La Solution selon le rapport de refondre les systèmes d’enseignement supérieur pour produire des connaissances en adéquation avec les besoins du continent à l’heure actuelle.

En ce qui me concerne, j’en viens à conclure que les étudiants désirant poursuivre des  études doctorales  dans n’importe quel domaine, devraient vraiment s’interroger sur la nature de leur motivation et sur leur capacité à apporter quelque chose de nouveau à la science. Car plus que jamais, l’Afrique a besoin de chercheurs et de jeunes innovateurs.

Partagez

Commentaires