A Paris, les tontines sont africaines
C’est en assistant dimanche, à une tontine de femmes dans les quartiers peuplés de Paris que l’idée m’est venue de gribouiller ces quelques mots. En effet, cela fait belle lurette que les tontines existent surtout en Afrique où elles sont largement reconnues comme « la banque des femmes ». Répandue aussi bien dans les zones urbaines que rurales d’Afrique, on assiste désormais à une exportation de cette pratique loin des frontières africaines. A vrai dire, ces dernières années, force est de constater que les associations tontinières ont le vent en poupe à Panam (Paris). Bien qu’un regroupement de femmes d’origine africaine, les tontines se substituent intégralement à l’épargne bancaire.
Une tontine! C’est quoi?
Partout en Afrique, dans les pays comme le Bénin, le Cameroun, le Congo, la raison d’être de ces associations féminines était la défense de leurs intérêts, une sorte de solidarité féminine, d’entraide basée sur la confiance mutuelle. Face à la pauvreté, à la conjoncture économique et aux difficultés du secteur formel (la banque) à octroyer des crédits, l’idée est venue aux femmes de se constituer en association rotative d’épargne (système informel). Explicitement, la tontine est une association d’individus unis en fonction de leurs liens amicaux, familiaux, de leur appartenance à une même profession, un même quartier et qui se regroupent (mensuellement par exemple) afin de mettre en commun leur épargne pour résoudre des problèmes personnels ou collectifs.
Le fonctionnement est simple…
Au départ, ces femmes décident d’un commun accord du montant fixe à verser pour la cotisation mensuelle. Et sous forme de tirage au sort mensuel, le bénéficiaire de la somme totale est connu. Il s’ensuit donc un système rotatif jusqu’à ce que le dernier membre reçoive cette somme. Une fois que, toutes les participantes ont reçu leur part, le cycle recommence par un autre tirage au sort. Sous forme de contrat social, la tontine est régie par des règles propres et strictes, applicables aux membres. Pour garantir le respect des versements, des amendes sont infligées en cas de retard de paiement. Un trésorier est choisi parmi les membres pour tenir la comptabilité de l’association. Comme avantage, ces épargnes ont permis aux femmes de subvenir aux besoins de leur foyer, de financer les études de leur progéniture et même d’organiser leur mariage.
Justine, l’une des bénéficiaires de ces tontines me raconte son histoire…
A Paris, les femmes qui intègrent ces associations financières ont des objectifs louables : investir dans leurs pays respectifs entre autres. Hier, j’ai accompagné ma tante à l’une des réunions mensuelles de sa tontine. Profitant agréablement de cette rencontre inopinée, je suis donc allée de ma petite interrogation. La rencontre se passait chez l’une d’entre elles dans le 18e arrondissement de Paris. Au total, 15 femmes provenant toutes de la Guinée et âgées de 25 à 40 ans. J’y ai rencontré Justine, la benjamine de ce groupes. Arrivée à Paris comme étudiante, il y a de cela huit ans, Justine en plus de ses cours à l’université, multiplie des jobs étudiants depuis six ans. Elle gagne environ 1 000 € par mois. Justine habite chez sa tante, c’est elle qui lui a soumis l’idée d’intégrer sa tontine comme la 15e personne. Justine ne regrette pas. Investir 200e de sa paie mensuelle ne lui a donné que des avantages financiers. Chaque mois, il lui suffit de ponctionner cette somme de sa petite épargne bancaire, de l’injecter dans l’association et attendre sagement son tour au tirage au sort mensuel afin de recevoir ses 3 000 €. Avec ce pécule et en plus de son salaire, elle est arrivée à ouvrir un petit commerce à Macenta (ville guinéenne). Une boutique de vente de vêtements pour jeunes filles assez rentable qu’elle a confiée à sa grande sœur. Chose faite, elle a désormais comme projet l’achat d’un lopin de terre en vue d’une construction dans son pays. Comme à l’accoutumée, Justine attendra son tour. Ambitieuse et consciente qu’il lui faudra encore deux années ou plus pour réaliser son projet, la jeune femme n’en démord pas.
Une perception erronée des tontines…
Personnellement, je me suis complètement fourvoyée sur le but de ces tontines. A l’époque, quand j’étais adolescente, j’abhorrais ces groupements de femmes dont ma mère prenait part les dimanches. Quand son tour venait et qu’elle accueillait la fête de sa tontine dans notre cour, je n’y voyais que du feu. En effet, j’ai toujours cru que cette réunion de grandes femmes ne servait entre autres qu’à piailler et à préparer des cérémonies inutiles. Je n’avais jamais imaginé qu’elles en tiraient des profits financiers. Aujourd’hui, connaissant le fonctionnement de ces tontines et la sécurité financière qu’elles représentent pour les femmes des pays en développement, je plussoie l’idée même de ces regroupements. Outre le gage financier qu’elles assurent, les associations tontinières sont devenues au fil du temps une sorte de capital social. Ces femmes sont unies entre elles selon le principe de confiance « trust ». Si jamais, une de ces femmes et sa famille faisaient face à quelques imprévus financiers, les membres de la tontine avancerait son tour pour qu’elle puisse bénéficier de la somme due ou allaient jusqu’à côtiser pour l’aider.
Les tontines profitent au développement!
A l’issue de la réunion, j’ai demandé à ma tante si, elles avaient, outre leurs objectifs personnels, des projets communs pour la Guinée. Oui, argua-t-elle. Elles ont pour projet de se constituer en ONG pour défendre une cause qui leur tient à cœur. Elles ne m’en ont pas dit plus…À suivre ! Pour finir, la vulgarisation des associations tontinières au sein de la communauté africaine de Paris et même de Bruxelles est dans une certaine mesure, un outil de développement pour le continent. Car, les sommes d’argent épargné par ces femmes sont le plus souvent destinées à être réinvesties dans leurs pays d’origine.
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