Que font les femmes au Parlement ?

Ainsi bredouillait mon oncle lors de la dernière rencontre familiale. Pourquoi cette interrogation si lapidaire ? Ne vous inquiétez pas. Je vous dis tout. Voyez-vous cher(e)s lecteur(ice)s, mon oncle c’est ce monsieur qui ne peut ni être tenu en fin philosophe, ni en fin politologue. Tout de même, il se voudrait le détenteur du savoir.  

Crédit photo : Fadumo Dayib
Crédit photo : Fadumo Dayib

La politique, l’apanage des femmes ?

Comme à l’accoutumée, je retrouve la famille, le temps d’une pause dominicale. Cet après-midi, mon oncle et moi échangions à propos de la politique africaine. En l’occurrence, de la prolifération des candidatures féminines dans les instances élues. C’est donc avec aménité que j’appréciai la candidature à la tête de la Somalie, de Madame Fadumo Dayib. Je trouvais que cette dame incarnait un parangon d’authenticité. Volontaire et engagée, son élection à la présidence insufflerait une dynamique nouvelle à cette Somalie patriarcale. J’étais fière de voir cette génération de femmes africaines, afficher leur ambition (parfois démesurée). Poursuivant l’éloge dithyrambique de la candidate somalienne, je m’étonnais en même temps de la sous-représentation des femmes au Parlement. Tout naturellement, je décidais de poser un regard bien critique sur ma Guinée natale.

Dans un pays où les femmes représentent la moitié de la population, pourquoi ne constituent-elles pas le quart des élus au Parlement ? Le quota législativement fixé étant de 30% des femmes guinéennes pouvant être à la chambre des députés. Ce que je trouve absurde soit dit en passant. Si les femmes souhaitent se faire entendre à travers un scrutin. Grand bien leur fasse. Pourquoi les en priver ? En Guinée, notons que 23,8% des femmes sont membres du gouvernement (soit 7 femmes sur 33 ministres) et seulement 0,08% occupent les fonctions de gouverneur de région.  Comment expliquer cette faible présence féminine en politique ? Où sont passées ces braves femmes guinéennes ? déplorais-je.

« À leur place ! Grommela mon oncle. Ces bonnes femmes ont justement compris où se trouvait leur place. Et ce n’est certainement pas au sein de l’hémicycle. Mais d’ailleurs, que feront-elles au Parlement ? Quel rôle pourraient-elles prétendre jouer dans cet antre de loups ? Dans ce cancan ? finit-il par me lancer d’un ton circonspect. Rassurez-vous cher(e)s lecteur(ice)s, la désinvolture de mon oncle ne me surprenait guère. Néanmoins, il n’était pas le seul à le penser. Peu savent réellement les fonctions de la femme parlementaire. Et souvent, cette dernière ignore elle-même, le pouvoir qu’elle détient en siégeant à l’Assemblée nationale ou au sénat.

Crédit photo : Guinéenews
Crédit photo : Guinéenews

Quelles prérogatives pour une élue parlementaire ?

Comme le savez probablement, le Parlement est un espace de pouvoir, de réflexion et de décision. Les élus au Parlement votent des lois qui touchent entre autres, le champ du social pour ne citer que celui-ci. Sans les femmes au Parlement, la question féminine aurait peu d’intérêt. En effet, des lois seront votées sans pour autant qu’elles puissent bénéficier pleinement aux femmes. Et pourtant, qui d’autres qu‘elles, peut le mieux cerner avec précision leur besoin quotidien ? En siégeant au sein de l’hémicycle, les élues deviennent les porte-parole des sans voix. Connaissant parfaitement les revendications de leurs congénères, les femmes parlementaires adopteront des positions défendant le bien-être des femmes.

Par ailleurs, une femme parlementaire a des prérogatives importantes lui permettant d’influencer les décisions. Elle participe au débat parlementaire, s’engage au sein des commissions et le plus important, elle initie des textes de loi ambitieux prenant en compte les soucis des minorités. Ces textes seront d’abord examinés, votés puis adoptés et enfin promulgués. Il peut s’agir d’une loi permettant à la veuve marginalisée dans l’accès à l’héritage d’obtenir gain de cause, d’une loi attribuant à la femme agricultrice des droits sur cette parcelle de terre. Ou encore d’un texte de loi protégeant les filles des mariages précoces et des mutilations génitales

En revanche, j’insiste sur un point capital, la présence féminine à la chambre basse n’est certainement pas la solution idoine des discriminations que peuvent subir les femmes dans nos sociétés africaines. Pour que les actions des élues ne soient pas insignifiantes, les lois doivent être convenablement appliquées. Cette efficacité découlera d’un contrôle strict dans leur exécution. Et là encore, le rôle des élues sera non négligeable. Pour qu’un texte de loi, sanctionnant par exemple les violences sexuelles, soit strictement appliqué, elles devront s’il le faut, se constituer en groupes de pression pour interpeller le gouvernement et insister auprès des services publics. Non, les femmes parlementaires ne font pas de la figuration pour satisfaire une certaine parité. Au contraire, elles constituent des actrices à part entière dans la promotion des droits des femmes et des enfants.

Femmes parlementaires -Classement Afrique
Femmes parlementaires -Classement Afrique

Le Rwanda ou le leadership politique au féminin

Sur le continent (et pas que), seul le Rwanda peut se targuer d’une bonne représentativité des femmes dans les instances parlementaires (figure ci-dessus). Encore le Rwanda vous me direz. Oui ! Toujours le Rwanda. Outre son système éducatif très exemplaire (taux de scolarisation avoisinant 100%), le Rwanda a su instaurer au fil des années, une vraie culture de la parité au sein de ses institutions. La proportion des femmes à la chambre des députés est de 64%, et 39% pour le sénat. Et pour parfaire le tout, une femme est à la tête de la présidence du parlementQuoi qu’il en soit, il est évident que cette supériorité féminine n’est pas du tout anodine. Si le Rwanda a eu la hardiesse de miser sur la parité, c’est qu’il a tout intérêt à le faire. Et c’est tout à son honneur. 

Le fait est qu’aujourd’hui, que ce soit dans les postes ministériels, au sein du parlement, ou sur la table de négociation dans les accords de paix et de sécurité, les femmes ont tout à fait leur place dans ces instances décisionnelles. D’aucuns diront que c’est une exigence démocratique. Certes, pour moi, il s’agit plutôt des prémices du développement humain d’une nation. Toutefois, il revient aux femmes d’être audacieuses, d’oser bousculer les codes pour construire un vivier politique. Se présenter aux élections communales, municipales ou dans les autres instances élues de la localité sera toujours un premier pas vers une citoyenneté politique.

À la question : que font les femmes au Parlement ? Ma verve a su convaincre mon oncle qui fut outre mesure surpris.

 

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Commentaires

Chantal
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Bel article er surtout bon travail de conviction d'un oncle qui au finish représente une couche sociale majeure qui une fois conscientisee sur le role de la femme transformera ses idées de réclusion des femmes à des postes de responsabilité. Pour soutenir votre pensée, je suis de celle qui brise la glace et oser mes idées en me présentant aux locales dans ma région. Je suis donc une candidate confirmée et en attente d'un nouveau calendrier pour battre ma campagne avec une énergie nouvelle. Merci de votre travail

Josette NIANKOYE
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Bonjour Chantal. Merci pour ton retour très positif. Je découvre également ton blog et ton combat. C'est agréable à lire. Continue dans cette voix. L'Afrique a besoin de femmes battantes pour se développer. Un travail de sensibilisation persiste et c'est là toute la richesse du débat. En tant que blogueuse, nous devons être des vecteurs de changement, contribuer à épurer les mentalités traditionnelles pour que la place de la femme africaine soit reconsidérée.