L’école pour forger l’enfant ?

Article : L’école pour forger l’enfant ?
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23 janvier 2017

L’école pour forger l’enfant ?

« L’école… l’école… pensais-je ; est-ce que j’aime tant l’école ? » Mais peut-être la préférais-je. L’Enfant Noir, Camara Laye. 

 

En Guinée, l’enseignement primaire est obligatoire pour tous les enfants, mais elle reste néanmoins critiquable. Comme certains le savent, je porte un projet associatif qui a vocation de favoriser le bien-être des enfants. Il y a peu de temps, j’ai été un peu bousculé dans mon élan lors de mes explorations sur les différentes pédagogies africaines. J’ai pris soudainement conscience que, dans mon pays, l’environnement éducatif devenait improductif : vétusté des infrastructures, manque d’équipements scolaires, programmes scolaires inadaptés, problème d’orientation scolaire et j’en passe.

Ce qui est navrant, c’est que les acteurs de l’éducation restent mystérieusement sourds à l’appel d’une refonte du système éducatif. Et pourtant, un impératif lorsque le trio “échec, décrochage et chômage” fait le lit de la pauvreté. En effet, plus de 60% des jeunes de 30 ans sont au chômage en Guinée. Et si par un heureux hasard, les décideurs lançaient une vaste consultation sur la reforme scolaire, je serais la première à apporter une recommandation : celle d’introduire les cours de créativité dès le primaire.  

 

Créativité, Guinée, école
Crédit photo : Unicef.

 

Tout commence par cette question des parents : qu’estce que tu veux faire quand tu seras grand ?

Ce à quoi les enfants répondent “docteur, journaliste, avocat, comptable”… Suivant la réponse de l’enfant, il est vite enfermé dans un moule et poussé vers ces “filières honorables”. Exprimet-il leur propre désir ? De mon expérience non. Ma mère voulait que je devienne pédiatre et mon père économiste. L’un d’eux a peut-être eu raison de moi je dois l’avouer. Je trouve cette question exigeante voire même un dictat. Je préfère celle-ci à la place : qu’estce que tu aimes faire ? Une manière bienveillante d’écouter les enfants.

Inversement, l’école nous apprend à lire, écrire, compter et à nous familiariser avec le monde qui nous entoure. L’élève s’assoit, écoute religieusement, répète, applique les directives, restitue à travers des évaluations, et passe en classe supérieure. En revanche, l’école ne nous apprend pas à nous explorer, à connaître notre talent et à le cultiver au quotidien. Or, le monde professionnel change, les enfants « d’alors » deviendront des jeunes qui auront besoin d’un savoir-faire créatif afin d’assurer le moment venu leur carrière professionnelle.  

 

La créativité des enfants doit s’épanouir à l’école !

Les enfants sont les plus grands créatifs du monde. Ils sont animés de cette toute-puissance qui leur permet de créer “un tout à partir d’un rien”. Et pourtant, de l’enfance à l’adolescence, ils perdent de ce génie du fait de l’environnement éducatif inadapté. Aujourd’hui, notre école se doit de cultiver la créativité des enfants. Du CP en 6e, l’enfant passe le plus clair de ses journées à l’école. Pourquoi ne pas introduire des ateliers créatifs obligatoires dans les programmes du primaire ? Des ateliers manuels et pratiques où l’enfant expérimente l’art, le bricolage, la bande dessinée, la décoration, le cinéma, la danse, la photographie tout en puisant dans les réalités culturelles du pays.

Quelques exemples montrent qu’en Afrique du Sud, les programmes scolaires comportent dès le CP, des cours de “Life Skills”. Cet enseignement de 6h par semaine permet de développer le savoir, savoir-être et savoir-faire des enfants. Il comprend des cours de connaissances de base, d’activités créatrices, d’éducation physique et de cours de bien-être. Les autres systèmes éducatifs africains devraient s’inspirer de cette forme de pédagogie qui met en lumière l’imaginaire des élèves.

D’un côté, je ne me bornais pas à dire non plus que l’école doit tout faire. À la maison, les parents peuvent faciliter le travail des formateurs. Se connecter à leur progéniture à travers des activités ludiques est nécessaire pour stimuler leur curiosité. En Afrique subsaharienne, le pourcentage des familles possédant au moins trois livres pour enfants à la maison est très faible. Il est de 4,9% en Côte d’Ivoire, 3,6% au Cameroun et de 0,4% au Mali. Inversement, le pourcentage des familles possédant au moins deux jouets à la maison reste très élevé au Mali (40%). Dans certains pays comme le Tchad, ce taux atteint les 49% (PNUD, 2013). Naturellement pour la Guinée, il y a pénurie de données chiffrées. 

 

De l’importance d’identifier le profil d’apprentissage de chaque enfant ?  

46% des enfants arrivent en dernière année du primaire en Guinée (un taux de survie de 58,6% selon l’UNICEF). Pourquoi ? À mon sens, certains échecs “peuvent” être expliqués par la façon individuelle d’assimiler les connaissances. En effet, chaque enfant détient un mode préférentiel d’apprentissage. Ce qui fait qu’on distingue les visuels, les auditifs et les kinesthésiques.

Pour illustrer cet argument, rien de mieux que l’exemple d’une séance de révision à la maison avec Aïcha (9 ans en CM1), Mariame (10 ans en CM2) et Amadou (11 ans en 6e). Mariame mémorise sa leçon en faisant des notes. Elle a besoin de visualiser et de synthétiser. Mariame serait donc visuelle. Pour Amadou, c’est tout le contraire. Il mémorise son cours en le récitant, il a besoin de se raconter les idées à voix haute ou basse, de l’entendre dire. Amadou serait donc auditif. De son côté, Aïcha est kinesthésique. Elle apprend plus facilement en bougeant son corps. Pour retenir son cours, elle a besoin de marcher, de gigoter, de mimer ou de dessiner.

En voilà trois enfants au profil de perception différent. Une particularité qui ne peut être décelée à l’école où la culture de nos instituteurs est à la fois généraliste et non bienveillante. Devant une telle scène, il revient donc aux parents de privilégier l’observation, le questionnement, l’écoute de l’enfant et l’empathie. En effet, identifier très tôt le profil de chaque enfant est nécessaire pour mettre en place une stratégie d’apprentissage gagnante. Loin de moi l’idée que cela pourrait prévenir tous les échecs scolaires. Mais cette méthode pourrait être extrêmement fructueuse.  

 

Pour une pédagogie centrée sur le rythme de l’apprenant !

En l’état actuel de l’Éducation Nationale, je reste convaincue que certains enseignements scolaires doivent tirer leurs révérences au profit d’une pédagogie nouvelle. Oui, parce qu’il y a possibilité d’une autre école guinéenne celle centrée sur l’élève. Faire autrement, apprendre l’enfant à se connaître, à développer sa créativité, son esprit d’initiative.  Une école comme un exhausteur de créativité ? Qu’en pensez-vous ? 

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