Se battre partout où l’on se trouve !

Article : Se battre partout où l’on se trouve !
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9 janvier 2019

Se battre partout où l’on se trouve !

Josette !  Je suis en admiration devant ton engagement. Mais dès fois, je me demande pourquoi tu ne réalises pas tous ces projets en Guinée. 

Une affirmation qui m’a sciée. D’aucuns le pensent. Pour toutes ces personnes, ce billet est une réponse. Parce qu’il y a ce que les gens pensent connaître, il y a ce à quoi tu aspires et il y a la réalité.

Rien ne m’enrage plus que la vue d’un enfant qui ne profite pas de son enfance. Un enfant illettré, maltraité, abusé et, tant d’autres atrocités qui détruisent l’innocence des petits. Les enfants mendiants du Sénégal, les enfants soldats du RDC, les enfants microbes de la Côte d’Ivoire, les enfants sorciers du Cameroun et j’en passe. Pourquoi tant d’épithètes maladroites pour qualifier certains enfants dans nos contrées ? Pourquoi notre société enferme-t-elle ses progénitures dans une cage ?

Vous l’aurez donc compris ! S’il y a bien un sujet qui me touche profondément, c’est bien celui-là : la cause des enfants. Non pas parce que je suis née un 20 novembre, une journée internationale qui célèbre les droits de l’enfant. Mais parce qu’au détour d’un chemin, la vie m’a naturellement poussée vers Ednancy. J’ai compris qu’il y avait une cause et il y avait une urgence de la défendre par tous les moyens. En 2016, j’ai donc fondé une association dont le but est de promouvoir le bien-être des enfants et des femmes.

On s’émeut des contours d’un monde qu’on croit découvrir alors que l’on l’a toujours porté au fond de soi.

Le déclic ? Le choix d’un sujet de mémoire de fin d’études. L’obtention de mon diplôme de fin d’études en économie exigeait la réalisation d’un mémoire. Plutôt qu’un sujet économique, mon choix s’est porté sur une problématique particulière : Existe-t-il un lien entre les inégalités de genre et le bien-être des enfants dans les pays en développement ?  Une première à bien des égards pour une étudiante censée travailler dans une banque à la fin de son cursus universitaire. Au début, je ne saisissais pas l’ampleur de la tâche qui m’attendait. J’ai donc inlassablement passé des mois à éplucher tous les rapports, à passer en revue toute la littérature théorique et empirique sur le sujet. Et je vous confesse que lire tous ces documents m’a à la fois ouvert les yeux et enragé. Je découvrais toutes les insuffisances des lois de nos pays en matière de protection de l’enfance et des femmes.

Pour parfaire mon travail, j’ai décidé de construire un indice économétrique captant les différentes facettes des privations chez les enfants dans 45 pays en développement (dont la Guinée). Et ce, en me basant sur trois indicateurs : éducation, santé et nutrition. Et pour démontrer l’existence de relations de causalité, j’ai corrélé mon indice de Bien-Être des Enfants (IBE) avec l’Indice d’Inégalité de Genre (IIG) du PNUD. Malgré le biais apparent de l’indice et les extrapolations qui en résultaient, j’en suis arrivée à la conclusion que le bien-être des enfants restait inextricablement lié à celui des femmes. En revanche, l’indice n’était pas exploitable par les institutions internationales. Mes encadreurs Valérie Bérenger  et Claude Berthomieu m’ont donc suggéré d’aller au bout de l’étude en optant pour un doctorat. Ce qui revenait à mener des travaux de recherche pendant trois années. L’objectif du doctorat était de construire un indice composite exploitable. Pour ce faire, je devais me focaliser sur un pays, définir un terrain d’études, spécifier un échantillon donc récolter des données en réalisant des enquêtes quantitatives et qualitatives. Mon père m’y encourageait fortement. D’ailleurs, à la base, une carrière d’économiste c’était son choix. Hélas, ce chemin était un peu trop tracé pour moi et franchement je n’étais pas prête pour un doctorat. J’ai donc préféré bifurquer et vous connaissez la suite surement.

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Source : Mémoire de fin d’études 2012.

Nous avons la chance de vivre dans un monde où l’écrit, les paroles et l’action civique ont fait reculer la nécessité des luttes physiques.

Revenons à mon engagement. C’est donc grâce à cette recherche que j’ai senti naître en moi, les prémices d’un appel. Après l’obtention de mon diplôme et même si le doctorat n’était plus d’actualité, cette prise de conscience se devait d’être matérialisée par quelque chose. J’ai donc commencé par un blog pour informer et sensibiliser sur les discriminations à l’encontre des enfants et des femmes. À la longue, écrire des billets vitriols en tirant à boulets rouges sur ceux qui bafouaient les lois ne me contentait plus. Alors, comment sensibiliser les personnes qui ne se trouvaient pas sur internet ? Je restais happée par cette idée qui venait de naître dans mon esprit. L’idée prenait forme lentement, elle se consolidait au fur et à mesure de mes lectures comme une image encore floue dans le viseur de l’appareil photo avant la mise au point mais dont on sait déjà qu’elle deviendra nette précise et lumineuse. Et voilà un jour, j’ai fini par créer Ednancy. Et depuis, je suis animée par l’envie d’aller jusqu’au bout.

  On démarre avec une passion sans être certain d’aboutir. C’est un pari qu’on se lance. Il faut avoir la foi et s’y consacrer totalement.

Ednancy est une association bienveillante qui agit pour que les enfants et les femmes se rendent compte des possibilités d’épanouissement qui s’offrent à eux. Pour faire connaitre l’association, le numérique a été un fil Ariane. Deux campagnes de sensibilisation (santé pour elles et un enfant des droits) ont été menées avec succès sur les réseaux sociaux avec la participation de brillantes personnes sensibles à cette cause. Les apports ont été matérialisés dans deux e-books à retrouver sur le site internet de l’association ou ici.

Le terrain en Guinée (et les points bloquants) 

Ednancy, une association qui dénonce les injustices, les violences et les lois archaïques qui entachent l’avenir des enfants et des femmes. Un credo qui résonnait en moi quand j’entamais l’exercice de rédaction des statuts de l’association. Mais la réalité est devenue si complexe. Que faisons-nous actuellement ?

  • De l’accompagnement scolaire : ce programme est une action contre l’alphabétisation des filles : achat des fournitures scolaires, inscription dans les écoles primaires et soutien scolaire. Depuis 2017, nous avons scolarisé et accompagné 3 fillettes dans leur année scolaire à Conakry.
  • Des dons de livres : en 2017, nous avons lancé notre première campagne de collecte de livres en Île de France. Quelques livres ont été récoltés au profit de la bibliothèque de zaly à N’zérékoré.
  • La réalité du terrain : installée en France, je vis principalement de mon travail et Ednancy n’est en aucun cas ma tirelire personnelle. Au contraire, je suis son premier investisseur. Et pour réaliser des projets en Guinée, l’argent reste le nerf de la guerre en plus du capital humain. Le plus dur c’est de trouver et fédérer des personnes consciencieuses de la cause et du combat à mener. Même si ça me brûle de le dire, les temps ne sont plus de cette initiative collective. La question de bénévolat reste encore à repenser dans nos pays. Parce qu’il y a un gap entre adhérer à une cause et la comprendre réellement.
  • L’avenir : pour l’instant je n’ai pas les coudées franches pour mener toutes les actions que je souhaiterais mettre en place en Guinée. Dans un futur proche, mon souhait est d’y ouvrir un pôle de bien-être. Ce lieu rimerait avec ludique et innovation. Je ne vous en dirai pas plus. Dans la lignée, j’applaudis ce que Kër Imagination accomplit avec brio au Sénégal. Pour Ednancy, il ne s’agit en aucun cas de faire une pale copie en Guinée mais de faire travailler ma créativité. Je suis persuadée que l’inspiration me viendra de mon contact quotidien avec les enfants.

Martin Luther King s’interrogeait ainsi chaque soir : “qu’as-tu fais pour autrui aujourd’hui ?

Que faisons-nous en Île de France ? Soyons clairs même dans les nations dites « développées », les enfants restent discriminées. L’échelle sociale et le standing de vie des parents conditionnent fortement les pratiques culturelles des enfants (accès aux livres hors école par exemple). Environ 20% des enfants des familles précaires n’ont pas de pratiques culturelles (OCDE, 2017). Pour toutes les personnes qui doutent du bien-fondé de notre travail, elles peuvent nous accompagner un de ces samedis dans les quartiers populaires de la commune où l’association est domiciliée. Elles pourront entre autres, rencontrer ces nombreuses familles issues de la diversité. Et en profiter également pour s’imprégner de l’insouciance des enfants, les entendre parler de leurs rêves, clamer que la bibliothèque est élitiste ou jurer que les héros « racisés » n’existent pas dans les livres.

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Petite enfance, grands défis 2017. Crédit Photo : OCDE.

À notre façon, nous avons répondu aux besoins des enfants en mettant en place deux projets :

  • Les sorties à la bibliothèque : dans un premier temps, nous sensibilisons les parents à l’importance de la lecture pour les petits. Ensuite, nous accompagnons les enfants pour leur première inscription à la bibliothèque. Et enfin, nous organisons des séances de lecture de 2h.
  • Les rencontres auteurs-enfants : nous invitons des auteurs de romans jeunesse à venir conter aux enfants de 6-12 ans les aventures des héros de leur bouquin. À la fin de chaque rencontre, les enfants sont transportés à travers des histoires originales et repartent chacun avec le livre dédicacé.

Soyons encore plus clairs, enfant Guinéen, Malien, enfant d’ici ou d’ailleurs…Fichtre ! Ednancy n’a pas de pays en vrai. Si nous pouvons permettre à chaque enfant de rêver, tant mieux. Parce qu’en vérité, c’est le seul droit que la société ne puisse leur retirer. Pour le reste, on peut en débattre à l’infini.

Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Papa m’a toujours dit qu’il était important de se créer de petits objectifs réalisables. Ce sont eux qui nous mènent à nos plus grands rêves. C’est ce que j’essaie d’appliquer au quotidien. Fin 2018, nous avons conçu un guide sur les droits des enfants. Ce petit manuel sans tabou sur les droits des enfants est destiné aux enfants de 10 à 15 ans. Un guide ultra futé pour les enfants qui souhaitent s’informer sur leurs droits. Parce qu’un enfant c’est une personne comme les autres, c’est donc une nécessité pour lui de connaître ses droits. Pourquoi ? Pour devenir plus responsable d’un côté et d’un autre pour s’outiller et réagir devant les abus dont il est victime au quotidien. Notre ambition est de démocratiser ce document pédagogique au plus grand nombre d’enfants en Afrique. Le challenge qui attend l’association pour les mois à venir est celui de rendre le livre accessible aux enfants. Il nous faut pour cela nouer des partenariats et s’entourer des personnes qui comprennent les tenants et les aboutissants de ce projet ambitieux.

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Le petit guide des droits des enfants. Crédit Photo : Ednancy

On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin. Goethe

Entendons-nous qu’il n’y a jamais grande chose ni petite chose de réaliser, il y a autre chose à réaliser. Parce que le meilleur est toujours à venir quand on se donne les moyens. Et puis d’ailleurs, au bout du compte c’est l’enthousiasme de savoir qu’on accomplit chaque jour quelque chose de plus grand que nous qui compte et qui l’emporte sur les désagréments et les frustrations rencontrés sur le chemin. J’espère que vous aurez puisé ici, l’importance du combat que je mène avec Ednancy.

* Note : Mon mémoire de fin d’études est disponible sur dropbox. N’hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressés.

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Commentaires

Aicha
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Bonjour Josette,

Je m'appelle Aicha! J'ai découvert tes écrits sur Médium et depuis j'essaie de te contacter sans succès ! Aurai-je plus de chance sur ton blog? Je l'espère ! Y'a t'il une adresse où je pourrai t'écrire en privé?

Au plaisir

Josette NIANKOYE
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Bonjour Aïcha. Ravie de te lire. J'ai noté ton email. Je t’écris sous peu. A bientôt !