Josette NIANKOYE

Un séjour bienveillant

Viens, on sème des graines de bienveillance !

Je reviens de Guinée où pendant trois semaines, je suis allée à la rencontre des enfants pour parler de mon livre “le petit livre bienveillant”. Pourquoi ? Parce-que je crois en ses vertus, même si le mot de « bienveillance » devient de plus en plus trivial. Car la bienveillance est la quintessence de la relation d’un enfant avec lui-même, ainsi qu’avec les autres. Un enfant bienveillant est un enfant doté d’une très grande confiance en lui.. De Conakry à Fria, j’ai donc pu par l’intermédiaire d’acteurs et d’actrices du livre, dialoguer avec les enfants sur ce sujet d’envergure, ainsi que sur d’autres sujets connexes.

Chaque infime étape a un sens bienveillant !

Lors de mon séjour en Guinée, j’ai pu visiter le centre Raby et les Enfants domicilié à Nongo à Conakry. Ce centre est un incubateur qui a pour objectif de stimuler le potentiel de chaque petit être. Pendant deux heures, je me suis laissé happer par l’ouverture d’esprit des tout-petits. À la question, « c’est quoi le harcèlement ? » une petite fillette assise à même le sol me répond sans hésiter :« le harcèlement c’est le fait de ne pas montrer de la tolérance envers les autres. » Excellent lui-lançais-je !

Toujours à Conakry, je me suis laissé émerveiller par l’ingéniosité des enfants du Club Littéraire du Centre Culturel Franco-Guinéen. À la question, « c’est quoi la bienveillance ? » des perles ont fusé des quatre côtés de la salle : « la bienveillance c’est bien veiller sur soi, gentillesse envers soi-même, respect des autres, s’aimer soi-même, faire du bien, faire attention à l’autre, être compréhensif. » Vous n’imaginez pas à quel point je me suis délectée de chaque précieuse minute en compagnie de ces bouts de chou.

Que dire de Fria, ma ville natale ? Là-bas, je me suis donné pour mission d’augmenter la confiance en soi des classes de CM2 à l’approche des examens d’entrée au collège. Je m’y suis rendue grâce à l’association locale ARSYF : mon projet a reçu l’approbation de la direction préfectorale de l’éducation de la ville (DPE). Avec mon ordre de mission en main, j’ai pu sillonner pendant quatre matinées les classes de CM2 des établissements scolaires de la localité. Parmi eux : le complexe scolaire Christ Roi, le complexe scolaire Les lucioles, l’école primaire Mahatma Gandhi ainsi que l’école primaire Armand Gustave Corréah. Moments d’anthologie ! J’aurai beau vous relater avec minutie chaque seconde de ces rencontres, je ne saurais rendre hommage aux enfants et à la qualité de leurs interventions tant l’expérience fut singulière.

Classe de CM2 au complexe Scolaire Les Lucioles à Fria.

Qu’ai-je appris aux enfants ?

L’important n’est pas qui nous sommes à la naissance, mais ce que nous devenons par la suite.

J.K. Rowling

Rien n’est trop grand pour vous. Rêvez votre avenir ! Demain, vous pourrez changer le monde et cela commence par aujourd’hui, ici et maintenant. Apprenez à votre rythme. Apprenez autant que vous le pouvez. Donnez le meilleur de vous-même. Concentrez-vous sur vos forces et talents et le reste suivra. Faites de la curiosité votre meilleure alliée. Prenez le temps de lire un roman, prenez le temps de jouer et de vous divertir. Retenez que vous avez le droit de vous tromper et de recommencer. Soyez indulgents avec vous-mêmes et avec les autres. Soyez des gardiens et des gardiennes de la tolérance à l’école et partout où le besoin se fera ressentir.

Qu’ai-je appris des enfants ?

Une pléthore d’enseignements que je traduirai en cette maxime.

L’enfant est le constructeur de l’homme, il n’existe pas d’homme qui n’ait été formé par l’enfant qu’il était. 

Maria Montessori.

L’objectif de mon initiative était de semer des graines de bienveillance, de confiance en soi et d’estime de soi. Je voulais par-dessous tout apprendre aux enfants à communiquer avec bienveillance et par ricochet, leur apporter un soutien à l’entame des examens de fin d’année. Je voulais que ces écoliers comprennent le lien inextricable entre confiance en soi et réussite scolaire. Ma présence fut une ouate offerte à leurs esprits. Ils avaient besoin d’un boost d’encouragements. J’étais là à ce moment précis pour éclairer leurs pensées et assainir leur chemin.

Qu’ai-je retenu de ces rencontres bienveillantes ?

Le moment le plus mémorable que je revisite souvent dans mon esprit est cet instant où j’ai demandé aux élèves de dire au moins un mot bienveillant à la personne qui partage leur table banc. Ce ne fut pas sans douleur ni sans gêne mais tous se sont prêtés avec amusement à cet exercice très délicat. Cette confession glanée à l’autre posait les bases d’une nouvelle relation. “Tiens ! je compte pour l’autre, voilà ce qu’on pouvait lire dans leurs yeux.

L’autre souvenir très intense que je garde est celle de Jacqueline, une talentueuse âme qui me confia le temps d’une lecture, son cahier de poèmes. Une sacrée petite fille au potentiel remarquable. Continue d’écrire lui dis-je ! Continue de lire surtout ! Plus on lit, plus on enrichit son vocabulaire et plus on écrit de façon inspirée.

Enfin, le souvenir le plus impérissable que je conserve est celle de ces minutes où j’entendis les enfants scander avec force et conviction les mots de « confiance en soi » tirés de mes petites cartes bienveillantes. Sur la première carte, on pouvait lire : J’existe. Je compte. Je suis aimé.e. Je suis magique. J’ai de la valeur. J’ai du talent. Je peux le faire.

Jamais je n’oublierai leurs bouilles pendant la lecture. Cette symphonie clamée haut et fort par ces écoliers me rassasiait de fierté. À eux ! je dis merci pour ces moments ! Car je les quitte non pas sans un pincement au coeur, mais avec l’espoir d’avoir laissé derrière moi des enfants plus forts et plus conscients d’eux-mêmes.

Et après ? le bilan ? les retombées ?

J’ai trouvé dans ce séjour bienveillant un motif de satisfaction et de courage. Je fais face à l’avenir avec la conviction qu’il est possible de changer les choses à notre niveau, par une dose de courage et de persévérance. Comme le dit Tolkien, le courage se trouve parfois dans des endroits inattendus. Par ces échanges bienveillants, j’ai pu donner de l’impulsion à mes projets.


J’ai redoublé une classe !

J’ai redoublé une classe ! C’était ma 5e année de primaire. Du moins, j’ai préféré redoubler. En effet, j’ai passé le dernier trimestre de l’année, alitée. Je n’ai donc pas passé l’examen de passage en 6e. Pour mes parents, il était inconcevable que je rate mon année car je faisais partie des meilleures de ma promotion. L’école et mes parents s’étaient accordés pour prendre en compte mes notes du précédent trimestre. J’ai tout bonnement rejeté cette alternative dès la seconde où j’en ai eu vent. Fière, j’ai préféré redoubler et travailler de toutes mes forces pour valider mon année. Pour moi, je ne méritais tout simplement pas cette faveur.

Redoubler d’efforts pour y arriver

J’ai redoublé une classe ! Comme pour me punir, j’ai prié mes parents de ne m’acheter aucune nouvelle fourniture scolaire. Après un premier trimestre mitigé, j’ai fini par valider ma 5e année avec brio. J’ai réussi à surmonter cet échec grâce à mon père et à mon instituteur. Pourquoi mon père ? Parce que c’est lui qui assurait le soutien scolaire après l’école. C’est celui qui chaque soir me faisait faire réviser devant le tableau noir. Ses méthodes étaient assez sévères et discutables mais ça finissait toujours par payer. Pourquoi mon instituteur ? Parce qu’il faisait partie de ceux que j’appelle des éducateurs consciencieux.

Remonter la pente grâce à des enseignants consciencieux (et bienveillants)

J’ai passé ma scolarité (comme vous d’ailleurs), dans des écoles traditionnelles où tous les écoliers devaient mémoriser les mêmes choses, de la même façon, au même rythme en faisant fi de leur personnalité. Il y avait une pédagogie unique et non différenciée. C’était comme cela et pas autremment. Seule une poignée d’instituteurs prenaient le temps d’approcher individuellement l’enfant, de l’expliquer en répétant autant que possible. Malheureusement, avec une trentaine (ou plus) d’écoliers par classe, la tâche était assurément ardue.

L’école doit être un moyen d’arracher les enfants à leur condition et d’en faire des enfants qui sauront changer leur condition.

Lu quelque part.

Reconsidérer l’erreur de chaque apprenant !

J’ai eu le déplaisir de remarquer que tous les autres redoublants n’avaient pas la même attention dont l’instituteur me gratifiait. J’étais à la fois enchantée et désabusée surtout pour l’un de mes camarades. Il s’appelait Emmanuel. C’était un réfugié politique d’origine Sierra léonaise. Ses parents avaient fui la guerre pour chercher une meilleure vie en Guinée. Il ne parlait pas couramment le français mais excellait en anglais. Il s’intégrait à sa manière quitte à paraître parfois bavard et perturbateur en classe. Ce qui en fit certainement le souffre-douleur de l’enseignant. Il était moqué et décrié quoi qu’il fasse ou quoi qu’il dise. Emmanuel collectionnait des mauvaises notes comme on collectionnait les timbres.

Né sous une mauvaise étoile ?

Je vous parle d’Emmanuel pour vous dire qu’il n’était pas un cancre comme on pouvait le penser. Il était intelligent à sa manière. Ce cher Emmanuel adorait les travaux manuels et se rêvait en ébéniste. Et si c’était à l’école de s’adapter à lui, et pas seulement l’inverse ? Cela me fait penser à l’histoire de Sékou, le meilleur ami de Gustave dans le roman « Né sous une bonne étoile » de l’autrice Aurélie Valognes.

Sekou rêvait d’être astronaute. Mais comme il portait des lunettes, un oncle lui avait dit que c’était impossible. Donc il abandonna son rêve et se prit de passion pour les dinosaures. Il voulait désormais être paléontologue. Cependant, un autre imbecile de sa famille lui avait dit que ce n’était pas un métier d’avenir car on avait déjà tout découvert, donc il changea à nouveau de rêve. Au final, Sekou finit par perdre son rêve de vue.

Ceux qui ont lu le bouquin connaissent la fin de l’histoire. Bref, tout ça pour vous dire qu’on en demande beaucoup aux élèves. On les demande d’être excellents avec tous ces petits cailloux qu’on glisse dans leurs chaussures.

Le mode d’emploi c’est l’écolier. Suivez-le donc à la lettre !

Sans chercher à devenir un érudit sur la question d’éducation positive, je crois en mon for intérieur que chaque écolier est unique. En matière d’acquisition de savoir, ce qui marche pour l’un ne marchera pas forcément pour l’autre. Je crois aussi qu’il n’y a pas de méthodes « toutes faites » en matière d’enseignement. L’instituteur étant l’adulte accompagnateur doit apprendre à observer l’enfant pour connaitre son mode d’emploi. Attention ! Les parents ne sont pas en reste car l’école ne fait pas tout. Moi, j’ai eu la chance d’avoir des parents présents qui m’ont donné la meilleure des éducations. Mon père était mon professeur particulier.

Chers enfants ! N’ignorez pas vos dons naturels par ce que l’école les a ignorés.

En écrivant ce billet, j’ai pensé à Emmanuelle. Qu’est-il devenu au gré des années ? Aurait-il trouvé son chemin ? Considéré comme une tête à trous pendant toute sa scolarité, j’espère qu’il a désormais pris sa revanche sur la vie. J’emprunte “tête à trous” à la pédagogue et autrice Anne-Marie Gaignard. Dans son livre “la revanche des têtes à trous”, elle raconte que lorsqu’elle avait 6 ans, l’enseignante l’avait surnommée “tête à trous” parce qu’elle était incapable de retenir quoi que ce soit. L’écolière qu’elle fut, s’imaginait une tête en forme de passoire où toutes les informations qu’elles ingurgitaient, arrivaient quand même à s’échapper par des petits trous.

Sans le vouloir, le monde peut détruire la sagesse au coeur de chacun.

Wole Soyinka.

Moi je dirai ! Sans le vouloir, l’école peut détruire la confiance en soi de l’enfant. Qu’en pensez-vous ? Pour moi, la vocation de l’école n’est pas de brimer les talents des enfants. Au contraire, elle devrait les renforcer. Je fais allusion à tous les élèves avares en paroles qui se retrouvent enfermés dans des cases trop étroites. Bête, fainéant, idiot, attardé…tant d’étiquettes qui les collent à la peau et qui font que, l’enfant traverse l’école comme un terrain miné. L’école ne devrait pas ignorer que les mots ont un pouvoir sur l’apprenant : ils consolent, blessent ou réparent. Quant aux enseignants, ils devraient, apprendre à encourager, à valoriser et à offrir à l’enfant toutes les chances de réussite. Soulignons-le ! L’enfant qui a confiance en lui, apprend vite et mieux.


Pas d’enfants, pas d’avis

Je n’ai pas d’enfants

Vous connaissez sans doute la réplique cinglante « pas d’utérus, pas d’avis. » Eh ben ! Je vous en parle parce que, pas plus tard qu’hier, j’ai eu le droit à une réplique de ce genre sur un tout autre sujet : les enfants. Pas d’enfant, pas d’avis », m’avait-on lancé sans que je ne puisse trouver quelque chose à redire. » Et c’est vrai ! je n’ai pas d’enfants pour l’instant. Oui, pour l’instant. Car je compte en avoir deux. Cela étant, j’aime être entourée d’enfants pour apprendre de leur intelligence hors du commun, de leur sagacité et de leur indécrottable franchise. Si je vous confiai que parfois, je ressens ce besoin de retourner en enfance pour la vivre pleinement afin de me préparer à être l’adulte d’aujourd’hui. Que penserez-vous de moi ?

Pas d’enfants, pas d’avis. D’où cela est-il parti ? Je vous explique. Hier, j’ai passé la journée chez Davila, une compatriote guinéenne installée en France. Davila élève seule sa fille de 8 ans (le cliché de la famille monoparentale). Elle reçoit un peu d’aide de sa mère qui n’habite pas très loin d’eux. Depuis que je la fréquente, Davila joue à la fois le rôle de père et de mère pour sa marmaille. Car le géniteur de la petite a choisi de s’installer en Guinée. Il vient souvent rendre visite à Hanah quand l’occasion se présente, aussi rare que cela puisse être. Bref, Hanah ne manque de rien et sait compter sur l’amour inconditionnel de ses deux parents. Pour se rattraper de ne pas être souvent là, le père couvre de cadeaux sa progéniture autant qu’il peut.

Dire non à son enfant en toute bienveillance !

Hanah était devant la télévision, comme à son habitude. Raya et le dernier dragon, c’est ce qu’elle regardait précisément sur Disney plus quand je suis arrivée. Un beau animé, soi-dit en passant. La morale est qu’il faut parfois accorder sa confiance à quelqu’un qui ne le mérite pas à vue d’œil. Facile non ! ? Après le film, Hanah m’invita dans sa chambre pour jouer à un jeu de devinette. Elle en profita pour me confer qu’elle n’aimait plus ses anciens jouets. Les jeux de Lego étaient son nouveau dada. Au téléphone, son père avait trouvé l’idée ridicule. Il en avait parlé à Davila : « notre fille a trop de jouets et il faut qu’elle comprenne que certains enfants n’en ont pas suffisamment ou pas du tout. »

Le souhait de son père était que sa fille offre les jouets qu’elle n’aimait plus à des enfants qui en sont dépossédés. Ainsi, elle pourrait avoir droit à de nouvelles amusettes. La petite avait versé des larmichettes à la seule pensée de se débarrasser de ses babioles. « Ce n’est pas juste« , s’époumona-t-elle. « Ne pleure pas ! Tu auras ton jeu mais il faut que tu attendes le mois prochain », avait promis sa mère. Malgré sa promesse, la fillette ne se voyait pas attendre encore trop longtemps. Il lui fallait absolument des Legos. C’est l’ici et le maintenant qui comptait à ses yeux.

Oui à toutes les caprices de l’enfant ?

Hanah m’avait relaté la fâcheuse histoire sans ciller. Pour mettre fin à son monologue, elle m’avait lancé un de ces regards propres aux enfants (le genre qui vous amadoue) : « Peut-être que toi, tu pourrais me faire ce cadeau. Ils ne sont pas chers tata« , poursuit-elle. « On peut en trouver à moins de trente euros. » Ah, les enfants ! Quelle espiègle, cette Hanah ! Surprise, je n’avais pas pipé mot. En réalité, je rejoignais le père.

J’ai appris en m’intéressant de près et de loin à la cause des enfants que chaque parent éduque sa géniture à sa manière. Puisque chaque enfant est différent, pourquoi existerait-il une seule méthode d’éducation ? Dans ce cas d’espèce, j’ai trouvé Davila un peu top permissive envers Hanah. L’idée du papa n’était pas de priver la petite de nouvelles choses mais de lui faire comprendre qu’elle en possédait trop. Pour avoir un nouveau joujou, il fallait se détacher des anciennes qu’elle ne portait plus dans son cœur. Un mal que je trouvais nécessaire.

Ne faisons pas de la bienveillance ce qu’elle n’est pas : un fourre-tout !

Enseigner ses droits à l’enfant, c’est ce que je fais avec mon association. Je dis souvent aux enfants qu’ils ont des droits que la société doit de respecter. Je leur donne comme exemple le fait que chaque enfant devrait vivre avec ses parents, avoir un logement décent, avoir accès à des soins de santé, aller à l’école, avoir accès à la lecture et aux jouets pour développer sa créativité. C’est le minimum syndical pour chaque petit être.

Par ailleurs, je suis une pourfendeuse de l’éducation stricte basée sur la rigueur et l’autorité, et une adepte d’une éducation positive basée sur la bienveillance. Même si je reste convaincue que dans bien des situations, les parents peuvent se laisser aller à un peu de fermeté envers les enfants. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas au nom de la sacro-sainte bienveillance, céder à tout prix, aux caprices de sa progéniture. La fermeté et la bienveillance peuvent être des alliés d’une éducation positive. Tout dépend de la manière de faire comprendre un Non à l’enfant. Il ne s’agit pas de le rabrouer mais de lui dire Non et de le lui expliquer le pourquoi. Eh Oui. Tout est une question de communication et de manière de communiquer. Évitons à tout prix un Non qui rabaisse l’enfant et adoptons plutôt un Non qui le conscientise et le responsabilise.

Il est du devoir des parents de responsabiliser l’enfant.

J’invite chaque parent à responsabiliser très tôt son garçon ou sa petite fille. À un certain âge, chacun d’eux doit avoir une notion du mal et du bien, du vide et du plein, du trop et du peu et parfois de l’empathie et de l’antipathie. Le premier pas serait peut-être de mettre les enfants face à leurs privilèges et de les expliquer qu’il en est autrement pour certains de leurs congénères dans d’autres parties du globe. Avec un langage qui leur sied, avouons à ces innocentes âmes que le monde n’était pas juste et que les droits de tous les enfants n’étaient pas respectés. Pendant que les uns vivent décemment, certains vivent dans le dénuement le plus total et d’autres tirent le diable par la queue. Vous me direz ! ce ne sont encore que des enfants ! Je vous rétorquerai qu’il serait vain d’instaurer des digues entre la réalité du monde et la réalité des enfants. Parce que nos petits devinent tous sous leur front lisse.

Revenons à Davila. Je l’ai trouvée trop indulgente avec son enfant. Ce laxisme latent trouvait-il son origine dans l’éducation qu’elle-même avait reçue ? Je m’interroge. Davila n’avait pas connu son père. Elle avait grandi avec sa mère le temps de son enfance. Davila l’avoue de son gré : elle avait manqué de règles et d’autorité dans son parcours. Elle avait toujours fait ce qu’elle voulait. Personne n’était présent pour lui dire non. Davila était-elle en train de reproduire le même schéma d’éducation avec sa fille ? On dirait bien que oui. 

L’enfant a besoin de cadre dans son environnement.

Un enfant a besoin que ses parents, l’un de ses parents ou quelqu’un de son entourage fasse preuve d’un peu de fermeté pour tempérer ses ardeurs. Mon amie Davila ne l’entendait pas de cette oreille. Hanah pouvait avoir les legos sans pour autant se séparer de ses autres.

« Josette ! » bredouilla Davila. « Il est bien d’être entourée d’enfants. Mais ce ne sont pas tes enfants. Tu ne comprendras que quand tu auras le tien. Tu verras que l’enfant demande sans cesse de nouvelles amusettes. Ils sont comme ça. Ils s’en lassent facilement des anciens. C’est ça, aussi, un enfant.« 

J’acquiesçais sans broncher. Mais elle avait continué de plus belle : « pas d’enfant, pas d’avis. On en parlera quand tu en auras un. Si tu crois que c’est si facile.« 

Ça c’était dit et ça avait le mérite d’être clair. Pas d’enfants, pas d’avis. À bon entendeur !


Classe passerelle !

Classe passerelle est le deuxième billet d’une courte série consacrée à l’école préscolaire. Si vous avez manqué le premier, il est disponible ici. Pour faire court, j’y évoquais une étape de l’éducation des enfants considérée sans importance et ainsi reléguée au dernier plan : le pré primaire. Pour autant, c’est au sein de ces écoles de transition que l’enfant expérimente le monde qui l’entoure. Bien que consacré à ces écoles d’observation, ce deuxième opus met en relief les chiffres récents sur le sujet et donne des pistes de réflexion.

Photo par Randy Fath dans Unsplash.

L’école est sans aucun doute l’échec le plus retentissant de l’Afrique en matière de développement.

Zéphirin DIABRE, ancien directeur adjoint du PNUD au Burkina Faso.

Cette affirmation ne devrait trouver aucun contradicteur parmi l’opinion. Car la décadence de nos écosystèmes éducatifs n’a visiblement échappé à personne. À regarder de près les chiffres 2019 de l’UNICEF sur l’enseignement pré primaire, je constate amèrement que les enfants payent tribut de nos systèmes éducatifs inégalitaires. Quoique je le susse déjà mais bon certaines inégalités surprennent toujours.

Que disent les chiffres de l’enseignement préscolaire au global ?

Le rapport de l’UNICEF reste muet sur les données ventilées par pays. Cela étant, certaines données peuvent être exploitées. Comme le fait que plus de 175 millions d’enfants, soit près de 50% des enfants d’âge préscolaire dans le monde, ne soient pas inscrits dans les établissements pré primaires. Plus parlant, dans 64 pays les enfants les plus démunis ont 7 fois moins de chances de participer à des activités d’éducation préscolaire que les enfants issus des familles les plus aisées. De plus, 2 enfants en âge de fréquenter l’enseignement pré primaire sur 10 étaient scolarisés dans les pays en développement. Encore plus criant, les enfants inscrits dans une structure d’enseignement pré primaire ont au moins 2 fois plus de chances de savoir lire, écrire et compter plus tôt que les enfants qui n’ont pas bénéficié d’un apprentissage préscolaire. Et pour couronner le tout, les enfants vivant en zone urbaine ont 2,5 fois plus de chances de participer à des programmes d’éducation préscolaire que ceux des zones rurales.

Et que disent-elles de l’Afrique de l’Ouest ? 

L’Afrique de l’Ouest et centrale alloue 2,5 % du budget de l’éducation à l’enseignement pré primaire. 70 % des enfants de la région ne bénéficient pas d’une éducation préscolaire. Près d’1/4 des enfants en âge de fréquenter l’enseignement pré primaire vivent dans un pays touché par une situation d’urgence. Les enfants dont la mère a terminé au moins l’enseignement secondaire ont près de 5 fois plus de chances de participer à un programme d’éducation préscolaire que les enfants dont la mère n’est pas allée au-delà du primaire ou ne dispose d’aucune éducation formelle.

Mon avis : l’étape pré scolaire de l’éducation reste encore court-circuitée par la plupart des pays du globe. Ce manquement est d’autant plus profond lorsque l’enfant naît dans un pays du tiers-monde et dans un foyer qui souffre de plusieurs privations matérielles. D’aucuns lésinent encore sur les budgets à consacrer à l’éducation des enfants. De toute évidence, les nations oublient délibérément qu’investir aujourd’hui dans toutes les étapes de l’éducation d’un enfant, c’est l’armer pour combattre les inégalités professionnelles du monde contemporain.

Faut-il reformer les reformes en Guinée ?

Les prévisions du Global Partnership sont encourageantes même si le niveau de pré scolarisation demeure faible par rapport à la population en âge d’être scolarisée. Le taux brut de pré scolarisation au pré primaire était de 14,7% en 2017 contre 13.2% en 2015. Une légère hausse par rapport à 2012 (10.7%). Comme si elle était consciente de son manque d’investissements dans l’éducation de la petite enfance, la Guinée s’est donnée comme objectif d’atteindre 20% de pré scolarisation en 2022 contre, de réduire à 30 le nombre de pupilles par classe et enfin de combler l’écart de pré scolarisation entre les villes et les campagnes. Toutes ces mesures sont tirées du nouveau plan sectoriel de la Guinée. Un plan à plus de 218 055 dollars.

Mon avis sur cette politique sectorielle de la Guinée !

Somme toute, j’en retire que l’environnement pré scolaire guinéen a des besoins importants en infrastructures, matériels et personnels. Autant, les efforts d’amélioration vont dans le bon sens autant le système éducatif guinéen dans l’ensemble demeure incomplet et inégalitaire. Devant ce constat, il fait nul doute que toutes les réformes devaient être reformées. Ce qui voudrait dire qu’elles devraient incarner un renouveau et s’inscrire dans des actions ciblées et ponctuelles. Je prends comme exemple la dotation de toutes les écoles publiques et privées en ouvrages scolaires promise par le gouvernement en 2018. Au-delà de la manœuvre électorale latente, j’ai trouvé à l’époque la démarche louable. En revanche, force est de constater l’inanité de la mesure annoncée depuis deux ans car certaines structures se plaignent de la rareté des dotations promises. Quoi qu’il en soit, attendons 2022 pour pouvoir en juger !

Propositions, suggestions ou recommandations ?

Sans vous inonder de détails, ma proposition consiste à accorder des allocations aux écoles publiques pour se doter de classes préscolaires. J’ignore encore le modus operandi. En revanche, il m’apparaît clairement que ces fonds seront alloués de plusieurs manières. L’argent servira à créer des structures d’accueil préscolaires publiques ; dédouaner les familles pauvres du paiement des fournitures scolaires requises ; former l’équipe pédagogique à la pratique d’une éducation centrée et bienveillante ; réhabiliter certains édifices pré primaires… 

Je m’explique : l’État serait de facto un investisseur comme tant d’autres. Les établissements préscolaires seraient seuls responsables de la construction et de l’aménagement des espaces préscolaires, de la conduite du projet et de l’évaluation des programmes. Il y aura bien évidemment une autorité de contrôle mais indépendamment de l’intervention étatique. L’aspect pécuniaire (coût élevé des écoles et faible pouvoir d’achat familles) est souvent mis en avant notamment pour justifier le choix des parents de ne pas inscrire leurs progénitures à l’école préscolaire. Dans cette configuration, la mission qui incomberait aux familles serait de procéder à l’inscription de l’enfant dès l’âge de 3 ans. Ce qui les exempteraient de tous les frais d’inscription et des achats de matériels nécessaires à la pré scolarisation.

Action citoyenne : pour une convergence d’idées ?

Qu’il est facile de jeter l’opprobre ! Je l’entends bien. Que pouvons-nous faire en tant que citoyen ? Personne ne devrait se délester de ses responsabilités. Les jeunes professionnels d’aujourd’hui ont tous une obligation envers les générations futures. Nous devons donner le la en investissant (tous) ensemble dans l’éducation guinéenne ? Et si on construisait ensemble cette école que l’on idéalise pour nos enfants ? À quoi ressemblerait-elle d’ailleurs ? Quand j’y pense, J’entrevois une école où les activités manuelles seraient au centre de chaque apprentissage. Une école qui aiderait l’enfant à travailler sa main. Je reste convaincue qu’en dehors de l’apprentissage théorique, les travaux manuels devraient absolument être valorisés dans toutes les sphères de l’enseignement. 

Qu’en pensez-vous ?

Note : la suite dans un troisième billet. À suivre !


Jardin d’enfants !

Du haut de ses 4 ans, Lamine le benjamin de notre gardien de maison, passait ses journées à courir derrière sa maman. Pourquoi n’était-il donc pas scolarisé à l’instar de ses frères et sœurs ? M’étonnais-je un lundi matin. Il n’avait pas encore 6 ans pour commencer l’école obligatoire me lançait son père. Et la maternelle ? Il ne pouvait rester comme ça débitais-je. Le vieux monsieur acquiesçait de la tête. Je me sentais stupide pour le coup face à ma désinvolture. À quelle réponse m’attendais-je d’ailleurs ? Que pouvait-il me dire ? Qu’il était dépourvu de ressources financières nécessaires pour scolariser le petit ?

Figurez-vous que Lamine n’était pas le seul dans ce cas. Lors de mon séjour à Conakry, j’étais constamment au faite de ce genre d’exclusion en visitant plusieurs écoles primaires. Exemple de l’établissement public Koichiro Matsuura. Il y avait cette fillette de 7 ans dans cette classe de première année de cours préparatoire. Elle se prénommait Ciré. À mon entrée dans la salle secondée du directeur, Ciré vêtue de son uniforme carrelé, une baguette à la main, se tenait debout devant le tableau noir. Elle glissait délicatement l’objet sur chaque mot griffonné à la craie blanche et ses camarades aussitôt répétaient le mot indexé. J’étais fière de voir cette fillette emplie de confiance et d’initiative. Car en l’absence de l’institutrice, Ciré s’était proposée pour faire la lecture à ses camarades. Quel entrain ! Quelle maturité scolaire !

jardin d'enfants
Photo par Bright Kwabena Kyere sur Unsplash.

Le processus de centration s’appliquait difficilement dans une école publique avec des classes d’une quarantaine d’écoliers. Il était quasi impossible de prendre chaque élève dans sa singularité.

Mme Baldé. A, institutrice à l’école Koichiro Matsuura.

Une confidence dont l’institutrice me gratifiait dès son retour. De ce que j’avais compris, ils étaient rares les enfants qui avaient côtoyé l’école pré-primaire. De plus, ce sont eux qui présentaient souvent des lacunes dans l’apprentissage. Certains comme Ciré, avaient une facilité à comprendre rapidement. Car ils avaient fréquenté très tôt des structures d’accueil préscolaires comme le jardin d’enfants avant d’opérer le grand saut à l’école primaire.

Jardin d’enfants ! Balbutiais-je. Cette évocation me projetait dans mon enfance. J’avais fréquenté le jardin d’enfants dès mes 3 ans avant d’entamer mon cycle primaire. Il en était de même pour mes frères et sœurs. J’en gardais encore un souvenir gai et impérissable. Sur l’instant, je repensais à cette vieille photo de groupe prise le jour de la fermeture des classes. Ce jour-là, j’étais habillée d’une jupette bleue, d’une chemisette blanche et mes bras étaient croisés sur ma poitrine. Mamie Odile me tendait le micro et m’encourageait à partager une récitation avec le public de parents venus assister à l’événement. En fait, Mamie Odile était l’éducatrice principale de la structure d’accueil. Elle s’occupait tellement bien des enfants qu’on la surnommait Mamie. 

École pré primaire, école première ou grande école pour les petits ?

Crèche, jardin d’enfants, maternelle (petite, moyenne et grande section)… faisaient partie de ce que l’on appelait communément : enseignement pré-primaire ou préscolaire. Les enfants y étaient reçus dès l’âge de 3 ans et y restaient pendant 3 ans. Étaient concernés par l’instruction préscolaire, les individus qui n’avaient pas encore atteint l’âge requis d’inscription pour l’instruction primaire. Ces structures d’accueil faisaient offices de transition entre le cocon familial et l’enseignement obligatoire. Dans certains pays (Canada par exemple), le jardin d’enfants se substituait intégralement à l’école maternelle.

Pour tout vous avouer, j’avais toujours cru que cette étape de l’éducation était obligatoire et gratuite pour tout enfant. Je m’apercevais maintenant combien ça dépendait du niveau de vie des familles. Étrangement, bon nombre de ces structures d’accueil se trouvaient être privées (90% selon le Global Partnership, 2014). Et la plupart de ces enceintes préscolaires se concentraient dans les grandes métropoles guinéennes et notamment à Conakry. Dans les campagnes, il n’était pas impossible de ne trouver aucune école préscolaire mise à part quelques centres communautaires notamment à N’ zérékoré, Kindia et Faranah (Banque Mondiale, 2011). 

Ce n’était pas à l’école primaire qu’on commençait à apprendre !

Pour en savoir davantage sur ma propre expérience du jardin d’enfants, j’écrivais à Mamie Odile. Qui d’autre qu’elle pouvait répondre à mes interrogations ! La pauvre Mamie était à la retraite depuis la fermeture définitive du jardin d’enfants de Fria. Qu’à cela ne tienne, la vieille dame se souvenait encore de ce lieu de socialisation où chaque enfant apprenait à vivre avec l’autre. Pour elle, il y avait cette fausse idée de croire que c’était à l’école primaire que débuterait la scolarisation de l’enfant. C’était d’abord l’expérience puis venait ensuite la théorie me martelait-elle au téléphone lorsque nous poursuivions la conversation initiée quelques heures plus tôt par mail.

C’était d’abord l’expérience puis venait ensuite la théorie.

Mamie Odile, Jardin d’enfants Friguia Kimbo.

Manifestement, Mamie Odile était remontée contre l’Éducation guinéenne. Elle n’avait cessé de se plaindre sur la qualité de l’enseignement désormais inculqué aux générations actuelles et sur le manque de classe pré primaire. Pourtant, les premières expériences étaient acquises dans ces structures d’accueil arguait-elle. De son temps, deux heures de la journée étaient consacrées aux jeux créatifs pour laisser libre cours à l’imagination de l’enfant. Il s’agissait de faire confiance à l’enfant en sa capacité à choisir ce qu’il veut faire. Une initiative qui contribuait au développement cognitif de ce dernier finissait-elle par confier comme pour conclure notre échange.

Après tout, la vie était un jeu et seuls les enfants y jouaient bien.

Mamie Odile n’avait nul besoin de me convaincre sur l’intérêt premier de l’école préscolaire. Il allait sans nul doute que l’instruction primaire se préparait dans les classes préscolaires. C’était là-bas que les enfants déchiffraient les mots et le langage grâce à un large panel d’activités pédagogiques : apprendre à ranger les couleurs, les formes, à dessiner, à intégrer les vocabulaires à travers les comptines, les chants, les contes et légendes…C’est au sein de ces pépinières de créativité que l’individu se construisait une base d’expériences stimulantes pour son cerveau. 

Pour l’institutrice de l’école Koichiro Matsuura, si l’enfant était privé du préscolaire, il partirait à l’école primaire sans cette chose qui ferait toute la différence dans son parcours éducatif. En effet, elle prenait l’exemple de certains écoliers pour lesquels elles répétaient plusieurs fois le cours pour les amener à intégrer durablement ce savoir nouveau. Apprendre pour un enfant signifiait faire des liens, des ponts et des connexions entre un vécu et une nouvelle assimilation. C’était d’autant plus difficile pour ces enfants si leur cerveau était encore vierge de toute expérimentation sur laquelle ils pouvaient rattacher une nouvelle connaissance élémentaire. 

Me concernant, j’avais appris par mon contact avec les enfants que le plus intelligent n’était pas forcément le plus doué en calcul mental. En réalité, il existait autant de chemins pour mener une connaissance au cerveau qu’il existait des intelligences multiples. Il en était de même pour les styles d’apprentissage comme je l’écrivais ici sans prétention scientifique. Bref, vous l’aurez également compris : les enfants n’apprenaient jamais à partir de rien. Lamine tout comme ses pairs ne devraient donc pas entrer à l’école primaire sans cette banque d’expériences sensorielles, construite à l’école préscolaire.

À suivre !


Mendiants : les abandonnés !

Impossible de traverser Conakry sans apercevoir ces regards inquiets. Ils sont bien présents le long des rues tendant machinalement la main pour nous rappeler leur indigence. Parmi eux, des manchots, des boiteux, des estropiés, des enfants albinos, des jumeaux, des aveugles, des vieillards, des vieilles femmes en guenilles… Mendiants, les affuble-t-on. Moi je les appellerai : les abandonnés.

Mendier un morceau de pain à ceux qui leur avaient tout pris était encore pour eux une chance de vivre. Et on les appelait mendiants ou bien voleurs suivant leur insistance à vivre.

Je perçois la mendicité sous un jour neuf depuis mon séjour à Conakry. Ça fait un bon mois que je suis de retour mais je cavale dans des questionnements de tout genre. Comment en est-on arrivé là ? La mendicité n’est certes pas un phénomène nouveau en Guinée mais dans mon souvenir, ils étaient trois fois moins nombreux. Là, je découvre stupéfaite la myriade.

Comment expliquer qu’il est tellement de mendiants à Conakry ?

Ce voyage m’ouvre les yeux sur l’aspect conjoncturel du fléau. L’influence démographique n’est pas à négliger dans cette multiplication. Je spécule peut-être mais la recrudescence de la mendicité peut-être imputable à l’exode rural des dix dernières années. Ce grand déplacement des familles paysannes vers la ville a entraîné un grand appauvrissement des campagnes et une hausse sans précédent de la mendicité urbaine. Selon des dires, les recettes de l’agriculture vivrière et de l’élevage qui nourrissaient les paysans guinéens ont fâcheusement baissé dans le temps. Des familles entières se sont installées en ville dans l’espoir d’un mieux-vivre. Sans aides financières et sans pensions alimentaires, faire la manche demeurait le seul moyen pour survivre. Autrement dit, la mendicité n’est que reflet d’une pauvreté humaine palpable dans laquelle la population guinéenne barbote.

Haro sur les mineures mendiants !

Talibés au Sénégal, Koulamati en Guinée, Bakoroman au Burkina, les microbes en Côte d’Ivoire et enfants sorciers en RDC, on observe le phénomène de mendicité des enfants un peu partout sur le continent. Sains ou infirmes, ils vivent quotidiennement de sollicitations publiques. Ils se positionnent dans les grands marchés des villes, aux ronds-points, dans les grandes artères, devant les hôpitaux centraux, les mosquées, églises, devant les arrêts de bus ou les gares routières… En Afrique, on compte environ 30 millions d’enfants des rues, d’après les Nations unies. Ils seraient plus de 30 000 dans les rues de Dakar, 40 000 à Kinshasa, 17 000 à Kampala pour ne citer que ces villes. Pour Conakry, j’ai farfouillé… que nenni. Un vide statistique invraisemblable. Aucune enquête sociologique et géographique sur le sujet.  Aucun chiffre récent sur ce fléau. Une normalité que j’ai lamentablement déplorée… Visiblement le système considère cela comme allant de soi. Quant à la population, elle s’accommode de la situation telle qu’elle est.

Par ailleurs, c’est dans les embouteillages quotidiens que les mineurs se manifestent le plus souvent. Ils tournicotent, se glissent entre les motards, courent derrière elles et toquent aux vitres des véhicules avançant à la queue leu-leu. Souvent, les mains sont portées à la bouche comme pour susurrer aux occupants des véhicules : j’ai faim, donnez-moi à manger. Ce fut mon expérience. Engloutie dans un bouchon interminable, un enfant était appuyé contre la voiture et me fixait. Je descendais la vitre pour glisser un billet dans la main du môme. Ce dernier me gratifiait d’un “Dieu te bénisse “ et filait à toute vitesse.

Zézé le chauffeur qui me conduisait en profita pour se lancer dans une diatribe sur la justice sociale. Dans son quartier, il y avait un squat de mendiants, si on peut l’appeler comme ça. Ce pied-à-terre était un bâtiment inachevé sans crépissage, oublié certainement par le propriétaire. Une bonne cinquantaine de gamins des deux sexes y vivaient dont certains à vue d’œil, n’avaient pas atteint l’adolescence. En vérité, les jeunes n’étaient pas sédentaires, ils n’y venaient que pour dormir très tardivement le soir. Parce que la journée, ils regagnaient les rues par groupes de deux. Les filles dans les marchés entre les échoppes et les garçons sur la voie publique au niveau des ronds-points. Des fois, un gamin disparaissait comme ça du sillage. Paraît-il qu’il aurait perdu la vie dans un accident de circulation. Mais Zézé avait sa théorie là-dessus : le môme se reposait d’avoir vécu une vie de misérable.

Les mendiants, victimes d’une réalité socio-économique !

Parce que la mendicité est avant tout un métier : le métier de la rue. Au même titre que le boulot de cireurs ou de portefaix… Dès le lamento du coq, ils se réveillent et mendient de la même manière qu’on se lève chaque matin pour aller chercher de quoi payer nos factures. Et le courage qu’ils déploient quotidiennement dans cette quête est incommensurable.

Parce que la mendicité est également un business. De ce que j’ai cru comprendre l’utilisation des mineurs pour apitoyer les passants est monnaie courante. Les enfants des zones rurales représentent un vivier de mains d’œuvre faciles pour des bandes organisées. Ces trafiquants recrutent les jeunes garçons dans les campagnes. Les familles vulnérables financièrement sont parfois trompées et désabusées par de fausses promesses. Ces derniers ignorent qu’une fois en ville, leurs marmailles seront acculées à la mendicité. En y regardant de plus près, il s’agit incontestablement d’un cas de trafic d’enfants. Le problème est d’autant plus grave si ces derniers sont dépourvus de documents d’identité. Donc invisibles aux yeux du système.

Parce que les mendiants s’organisent en collectivité. Je n’ai pas la moindre esquisse de comment cela se passe. Il s’avère que les mendiants s’organisent en tontine hebdomadaire mettant en commun une parcelle du produit de la mendicité. Le principe de la tontine classique semble s’appliquer également.

Parce qu’il existe un véritable marché de la mendicité. J’ai tendance à dire que l’économie ce n’est pas que le marché de biens et services, de travail ou de capitaux. Non ! En réalité, des tas de choses se passent en dehors de ces marchés. Dans ce contexte, faut-il penser à intégrer les produits de la mendicité ou le trafic des enfants à des fins de mendicité dans le calcul du PIB ? Par définition, le PIB n’est-il pas la somme des richesses produites en une année par un pays ?

Réintégration des mendiants : exit les pis-aller !

Nettoyer les rues de sa cohue ! La ville de Dakar fait souvent les gros titres pour ses nombreuses tentatives de nettoyage des rues de Talibés. Une sorte de croisade contre les mendiants et les faiseurs de mendiants. La ville de Conakry avait tenté également d’interdire la manche et le racolage sur ses voies publiques. Un programme de retrait avait permis de confiner un nombre important de mendiants dans des centres d’accueil. Mais le dispositif avait échoué. Quelques semaines après, les indigents délogés de la rue avaient retrouvé leurs points stratégiques. Cet échec prouve que re-socialiser des individus longtemps marginalisés et déshumanisés n’est pas mince affaire. On omet souvent que les mendiants sont à la recherche d’une place dans la société. Ils ont besoin qu’on les aide à retrouver leur qualité de citoyen. Ce qui revient à réparer notre système inégalitaire et non se contenter d’un bricolage express.

En m’intéressant à la mendicité urbaine à Conakry, j’ai surtout noté une inertie collective à agir. Doit-on tout attendre de l’État ? Ne faut-il s’appuyer sur l’intelligence collective pour retirer méthodiquement et progressivement les enfants des rues ? L’État, les chefs religieux, la police, la société civile, les travailleurs sociaux et les associations, chacun est appelé à jouer un rôle de facilitateur. Prenons, par exemple, le cas des associations à Conakry ! Le tissu associatif local reste peu développé financièrement et peu structuré humainement. Les orphelinats font du bon travail en recueillant certains enfants. Malheureusement, ces derniers sont accablés par le désarroi financier et ont l’impression de ne pas être épaulés. C’est un travail de longue haleine de réintégrer les mendiants. Le moins que le système puisse faire serait de commencer en fixant des objectifs à court, moyen et à long terme. Comme par exemple :

  • entamer une première étape d’enregistrement des mendiants ;
  • vérifier les registres d’états civils pour les connus et relever l’identité des “invisibles”;
  • établir une base de données de la population des mendiants ;
  • retirer méthodiquement les enfants dans les rues et les placer dans des structures hygiéniques conçues pour les accueillir ;
  • délivrer des soins de santé primaire pour les malades ;
  • accompagnement moral et psychologue des enfants ;
  • mener une campagne d’alphabétisation en leur ouvrant la porte des écoles ;
  • apprendre des métiers…

Bref à défaut d’un passé dans la rue, offrir aux enfants mendiants un avenir hors de la rue. Je m’engrosse certainement d’accomplissements espérés vous me direz !

C’est avec les bras de la charité que l’on saisit Dieu !

Je ne peux terminer ce billet sans m’interroger sur nos rapports avec les mendiants. À y regarder de près, on ne les approche que sporadiquement. Le plus souvent pour faire de la charité affichant ainsi de manière ostentatoire notre privilège. C’est avec les bras de la charité que l’on saisit Dieu ! ma grand-mère avait souvent recours à ce dicton pour justifier ses offrandes matinales aux passants les plus démunis. Pourquoi demandais-je souvent ? En échange de cette aumône, je souhaite que l’éternel protège cette maison et cette grande famille me disait-elle. Les mendiants d’après elles et vraisemblablement seraient des êtres pleins de prières et de bénédictions. Des intercesseurs efficaces auprès du créateur en quelque sorte.

De toute façon, on ne les méprise que si l’on n’a pas besoin d’eux.

Une réalité déplorable malheureusement ! Je vous invite à lire la grève des bàttu de l’illustre Aminata Sow Fall. Une fiction certes mais un bouquin qui redonne de l’humanité à ces marginaux. Ce roman traduit l’immense hypocrisie à base du jeu social et cette relation en trompe-œil que nous entretenons avec les pauvres.

Pensez-vous qu’ils ont songé que nous avons faim. Ils s’en foutent. Notre faim ne les dérange pas. Ils ont besoin de donner pour survivre et, si nous n’existions pas, à qui donneraient-ils ?

Ce n’est ni pour nos guenilles, ni pour nos infirmités, ni pour accomplir un geste désintéressé que l’on daigne nous jeter ce que l’on nous donne. Ils ont d’abord soufflé leurs vœux les plus chers et les plus inimaginables sur tout ce qu’ils nous offrent.

Martèle un mendiant. Parallèlement, Mour le personnage central s’interroge :

Au fond ils ne méritent peut-être pas notre mépris. De toute façon, on ne les méprise que si l’on n’a pas besoin d’eux.

Je finirai donc ce billet par cette réflexion personnelle. Même s’il est vrai que « nous » n’allons pas au-devant de la charité publique, inconsciemment nous mendions également dans nos vies quotidiennes. Quoi ? La santé, le succès, la réussite professionnelle, l’amour, l’affection, l’attention, la reconnaissance et surtout les grâces du créateur. En ce sens, j’ose croire que nous sommes et nous demeurons des éternels mendiants.


Se battre partout où l’on se trouve !

Josette !  Je suis en admiration devant ton engagement. Mais dès fois, je me demande pourquoi tu ne réalises pas tous ces projets en Guinée. 

Une affirmation qui m’a sciée. D’aucuns le pensent. Pour toutes ces personnes, ce billet est une réponse. Parce qu’il y a ce que les gens pensent connaître, il y a ce à quoi tu aspires et il y a la réalité.

Rien ne m’enrage plus que la vue d’un enfant qui ne profite pas de son enfance. Un enfant illettré, maltraité, abusé et, tant d’autres atrocités qui détruisent l’innocence des petits. Les enfants mendiants du Sénégal, les enfants soldats du RDC, les enfants microbes de la Côte d’Ivoire, les enfants sorciers du Cameroun et j’en passe. Pourquoi tant d’épithètes maladroites pour qualifier certains enfants dans nos contrées ? Pourquoi notre société enferme-t-elle ses progénitures dans une cage ?

Vous l’aurez donc compris ! S’il y a bien un sujet qui me touche profondément, c’est bien celui-là : la cause des enfants. Non pas parce que je suis née un 20 novembre, une journée internationale qui célèbre les droits de l’enfant. Mais parce qu’au détour d’un chemin, la vie m’a naturellement poussée vers Ednancy. J’ai compris qu’il y avait une cause et il y avait une urgence de la défendre par tous les moyens. En 2016, j’ai donc fondé une association dont le but est de promouvoir le bien-être des enfants et des femmes.

On s’émeut des contours d’un monde qu’on croit découvrir alors que l’on l’a toujours porté au fond de soi.

Le déclic ? Le choix d’un sujet de mémoire de fin d’études. L’obtention de mon diplôme de fin d’études en économie exigeait la réalisation d’un mémoire. Plutôt qu’un sujet économique, mon choix s’est porté sur une problématique particulière : Existe-t-il un lien entre les inégalités de genre et le bien-être des enfants dans les pays en développement ?  Une première à bien des égards pour une étudiante censée travailler dans une banque à la fin de son cursus universitaire. Au début, je ne saisissais pas l’ampleur de la tâche qui m’attendait. J’ai donc inlassablement passé des mois à éplucher tous les rapports, à passer en revue toute la littérature théorique et empirique sur le sujet. Et je vous confesse que lire tous ces documents m’a à la fois ouvert les yeux et enragé. Je découvrais toutes les insuffisances des lois de nos pays en matière de protection de l’enfance et des femmes.

Pour parfaire mon travail, j’ai décidé de construire un indice économétrique captant les différentes facettes des privations chez les enfants dans 45 pays en développement (dont la Guinée). Et ce, en me basant sur trois indicateurs : éducation, santé et nutrition. Et pour démontrer l’existence de relations de causalité, j’ai corrélé mon indice de Bien-Être des Enfants (IBE) avec l’Indice d’Inégalité de Genre (IIG) du PNUD. Malgré le biais apparent de l’indice et les extrapolations qui en résultaient, j’en suis arrivée à la conclusion que le bien-être des enfants restait inextricablement lié à celui des femmes. En revanche, l’indice n’était pas exploitable par les institutions internationales. Mes encadreurs Valérie Bérenger  et Claude Berthomieu m’ont donc suggéré d’aller au bout de l’étude en optant pour un doctorat. Ce qui revenait à mener des travaux de recherche pendant trois années. L’objectif du doctorat était de construire un indice composite exploitable. Pour ce faire, je devais me focaliser sur un pays, définir un terrain d’études, spécifier un échantillon donc récolter des données en réalisant des enquêtes quantitatives et qualitatives. Mon père m’y encourageait fortement. D’ailleurs, à la base, une carrière d’économiste c’était son choix. Hélas, ce chemin était un peu trop tracé pour moi et franchement je n’étais pas prête pour un doctorat. J’ai donc préféré bifurquer et vous connaissez la suite surement.

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Source : Mémoire de fin d’études 2012.

Nous avons la chance de vivre dans un monde où l’écrit, les paroles et l’action civique ont fait reculer la nécessité des luttes physiques.

Revenons à mon engagement. C’est donc grâce à cette recherche que j’ai senti naître en moi, les prémices d’un appel. Après l’obtention de mon diplôme et même si le doctorat n’était plus d’actualité, cette prise de conscience se devait d’être matérialisée par quelque chose. J’ai donc commencé par un blog pour informer et sensibiliser sur les discriminations à l’encontre des enfants et des femmes. À la longue, écrire des billets vitriols en tirant à boulets rouges sur ceux qui bafouaient les lois ne me contentait plus. Alors, comment sensibiliser les personnes qui ne se trouvaient pas sur internet ? Je restais happée par cette idée qui venait de naître dans mon esprit. L’idée prenait forme lentement, elle se consolidait au fur et à mesure de mes lectures comme une image encore floue dans le viseur de l’appareil photo avant la mise au point mais dont on sait déjà qu’elle deviendra nette précise et lumineuse. Et voilà un jour, j’ai fini par créer Ednancy. Et depuis, je suis animée par l’envie d’aller jusqu’au bout.

  On démarre avec une passion sans être certain d’aboutir. C’est un pari qu’on se lance. Il faut avoir la foi et s’y consacrer totalement.

Ednancy est une association bienveillante qui agit pour que les enfants et les femmes se rendent compte des possibilités d’épanouissement qui s’offrent à eux. Pour faire connaitre l’association, le numérique a été un fil Ariane. Deux campagnes de sensibilisation (santé pour elles et un enfant des droits) ont été menées avec succès sur les réseaux sociaux avec la participation de brillantes personnes sensibles à cette cause. Les apports ont été matérialisés dans deux e-books à retrouver sur le site internet de l’association ou ici.

Le terrain en Guinée (et les points bloquants) 

Ednancy, une association qui dénonce les injustices, les violences et les lois archaïques qui entachent l’avenir des enfants et des femmes. Un credo qui résonnait en moi quand j’entamais l’exercice de rédaction des statuts de l’association. Mais la réalité est devenue si complexe. Que faisons-nous actuellement ?

  • De l’accompagnement scolaire : ce programme est une action contre l’alphabétisation des filles : achat des fournitures scolaires, inscription dans les écoles primaires et soutien scolaire. Depuis 2017, nous avons scolarisé et accompagné 3 fillettes dans leur année scolaire à Conakry.
  • Des dons de livres : en 2017, nous avons lancé notre première campagne de collecte de livres en Île de France. Quelques livres ont été récoltés au profit de la bibliothèque de zaly à N’zérékoré.
  • La réalité du terrain : installée en France, je vis principalement de mon travail et Ednancy n’est en aucun cas ma tirelire personnelle. Au contraire, je suis son premier investisseur. Et pour réaliser des projets en Guinée, l’argent reste le nerf de la guerre en plus du capital humain. Le plus dur c’est de trouver et fédérer des personnes consciencieuses de la cause et du combat à mener. Même si ça me brûle de le dire, les temps ne sont plus de cette initiative collective. La question de bénévolat reste encore à repenser dans nos pays. Parce qu’il y a un gap entre adhérer à une cause et la comprendre réellement.
  • L’avenir : pour l’instant je n’ai pas les coudées franches pour mener toutes les actions que je souhaiterais mettre en place en Guinée. Dans un futur proche, mon souhait est d’y ouvrir un pôle de bien-être. Ce lieu rimerait avec ludique et innovation. Je ne vous en dirai pas plus. Dans la lignée, j’applaudis ce que Kër Imagination accomplit avec brio au Sénégal. Pour Ednancy, il ne s’agit en aucun cas de faire une pale copie en Guinée mais de faire travailler ma créativité. Je suis persuadée que l’inspiration me viendra de mon contact quotidien avec les enfants.

Martin Luther King s’interrogeait ainsi chaque soir : “qu’as-tu fais pour autrui aujourd’hui ?

Que faisons-nous en Île de France ? Soyons clairs même dans les nations dites « développées », les enfants restent discriminées. L’échelle sociale et le standing de vie des parents conditionnent fortement les pratiques culturelles des enfants (accès aux livres hors école par exemple). Environ 20% des enfants des familles précaires n’ont pas de pratiques culturelles (OCDE, 2017). Pour toutes les personnes qui doutent du bien-fondé de notre travail, elles peuvent nous accompagner un de ces samedis dans les quartiers populaires de la commune où l’association est domiciliée. Elles pourront entre autres, rencontrer ces nombreuses familles issues de la diversité. Et en profiter également pour s’imprégner de l’insouciance des enfants, les entendre parler de leurs rêves, clamer que la bibliothèque est élitiste ou jurer que les héros « racisés » n’existent pas dans les livres.

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Petite enfance, grands défis 2017. Crédit Photo : OCDE.

À notre façon, nous avons répondu aux besoins des enfants en mettant en place deux projets :

  • Les sorties à la bibliothèque : dans un premier temps, nous sensibilisons les parents à l’importance de la lecture pour les petits. Ensuite, nous accompagnons les enfants pour leur première inscription à la bibliothèque. Et enfin, nous organisons des séances de lecture de 2h.
  • Les rencontres auteurs-enfants : nous invitons des auteurs de romans jeunesse à venir conter aux enfants de 6-12 ans les aventures des héros de leur bouquin. À la fin de chaque rencontre, les enfants sont transportés à travers des histoires originales et repartent chacun avec le livre dédicacé.

Soyons encore plus clairs, enfant Guinéen, Malien, enfant d’ici ou d’ailleurs…Fichtre ! Ednancy n’a pas de pays en vrai. Si nous pouvons permettre à chaque enfant de rêver, tant mieux. Parce qu’en vérité, c’est le seul droit que la société ne puisse leur retirer. Pour le reste, on peut en débattre à l’infini.

Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Papa m’a toujours dit qu’il était important de se créer de petits objectifs réalisables. Ce sont eux qui nous mènent à nos plus grands rêves. C’est ce que j’essaie d’appliquer au quotidien. Fin 2018, nous avons conçu un guide sur les droits des enfants. Ce petit manuel sans tabou sur les droits des enfants est destiné aux enfants de 10 à 15 ans. Un guide ultra futé pour les enfants qui souhaitent s’informer sur leurs droits. Parce qu’un enfant c’est une personne comme les autres, c’est donc une nécessité pour lui de connaître ses droits. Pourquoi ? Pour devenir plus responsable d’un côté et d’un autre pour s’outiller et réagir devant les abus dont il est victime au quotidien. Notre ambition est de démocratiser ce document pédagogique au plus grand nombre d’enfants en Afrique. Le challenge qui attend l’association pour les mois à venir est celui de rendre le livre accessible aux enfants. Il nous faut pour cela nouer des partenariats et s’entourer des personnes qui comprennent les tenants et les aboutissants de ce projet ambitieux.

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Le petit guide des droits des enfants. Crédit Photo : Ednancy

On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin. Goethe

Entendons-nous qu’il n’y a jamais grande chose ni petite chose de réaliser, il y a autre chose à réaliser. Parce que le meilleur est toujours à venir quand on se donne les moyens. Et puis d’ailleurs, au bout du compte c’est l’enthousiasme de savoir qu’on accomplit chaque jour quelque chose de plus grand que nous qui compte et qui l’emporte sur les désagréments et les frustrations rencontrés sur le chemin. J’espère que vous aurez puisé ici, l’importance du combat que je mène avec Ednancy.

* Note : Mon mémoire de fin d’études est disponible sur dropbox. N’hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressés.


Il était une fois…

Depuis mon enfance dans la petite ville de Fria en Guinée, je baigne dans un milieu qu’on peut qualifier proche de la politique ou proche du pouvoir en place. La saga politique commence avec mes aïeux. Une saga que je vous relate ici-bas en plusieurs épisodes avec une pincée d’anecdotes et de confidences familiales.

Tout commence sous le régime de Sékou Touré, le père de l’indépendance guinéenne. Mes deux grands-pères ont servi sous son mandat et chacun à sa manière. Mon grand-père paternel était un militaire gradé de l’armée guinéenne alors que celui du côté maternel endossait sa cape de diplomate pour représenter le pays à l’étranger. Ces personnalités charismatiques n’étaient jamais d’accord sur le devenir de la Guinée. Il y avait toujours de l’acrimonie dans les débats. Toutefois, j’ai beaucoup appris en les écoutant et en discutant avec eux.

La suite de l’histoire se déroule en 1984 quand Lansana Conté, jeune lieutenant de l’armée guinéenne succède à Sékou Touré. Vous n’êtes pas sans savoir que le nouveau président avait un compagnon d’armes très fidèle, Kerfalla Camara. Ce dernier occupa plusieurs postes au sein du gouvernement Conté. Hasard ou simple coïncidence, il était l’époux de ma grand-tante, sœur aînée de ma mère. Lorsque je passais mes vacances chez mes cousines, à de rares fois j’ai pu apercevoir furtivement le président.

Dans la continuité, mon grand-oncle (frère aîné de ma mère) ignorant l’affolement de son père décida d’investir les réseaux diplomatiques. Comme carrière, il ambitionne de faire comme son paternel. Aujourd’hui, il cumule les postes dans la diplomatie en répétant mécaniquement le même schéma. Ne dit-on pas que la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre.

Tenez-vous bien ! La saga est loin d’être terminée. L’épisode qui suit marque un tournant décisif pour ma famille. En 1998, Lansana Conté se porte candidat à sa réélection. À peu près au même moment, mon père prit d’une soudaine fougue, se passionne de politique. Cet économiste de formation, chargé de relations publiques pour une entreprise minière devient du jour au lendemain politicien à ses heures. Après sa journée de travail, il ne rentrait pas directement à la maison. Non, il dépensait le peu d’énergie qui lui restait à tenter de faire élire le président. Mon père défendait les couleurs du Parti au pouvoir. Dans notre localité, il en était son secrétaire fédéral.

Après la réélection de Lansana Conté, l’engagement politique de mon père prit une nouvelle dimension. Il ne souhaitait plus faire élire. Désormais, c’était à son tour d’être élu. Fort de ses convictions, mon père brigua le poste de député à l’assemblée nationale. Malheureusement au terme d’un scrutin serré, son acolyte l’emporta de quelques voix.

Présidentielle en Guinée: les principaux candidats. Crédit Photo : RFI.

Vous l’aurez compris ! Je suis une enfant de la politique. D’où ma réticence à discuter de politique guinéenne sur les réseaux sociaux. On me le reproche souvent car cela est souvent perçu comme du désintérêt. Sauf que les gens se fourvoient, je m’intéresse de près à la politique guinéenne sans pour autant être encartée dans un parti. Cependant pour en parler, je prends beaucoup de précaution, je pèse et soupèse mes mots.

Pour vous dire, c’est mon père qui m’a initiée aux débats politiques. Chaque fois que c’était possible, nous regardions ensemble les émissions thématiques. C’est donc lui qui a contribué à façonner mon militantisme. Il m’a transmis l’enthousiasme de l’engagement. En revanche, la politique ne suscite pas chez moi la passion qu’elle inspire à mon père.

Pour la petite histoire, la première fois que j’ai glissé mon bulletin dans l’urne, Papa m’accompagnait. À l’époque, j’ignorais encore le fonctionnement de nos institutions et le programme des candidats. Je ne possédais aucun esprit critique et j’incarnais le vide abyssal en notion de droit et de lois citoyennes. Je n’avais même pas idée que mon vote pourrait apporter de vrais changements. Bref, j’étais totalement perdue en ressortant de l’isoloir mon pouce imbibé d’encre. Ne dit-on pas que le premier vote correspond toujours à celui de Papa et Maman.

Quant à mon premier meeting politique, Papa était aussi présent. Il organisait la campagne de réélection du président. Le rassemblement avait lieu au terrain de football local. Sous un soleil très ardent, une forêt de foule brandissant des posters à l’effigie du président scandait le nom de ce dernier. L’endroit bouillonnait et c’était très intimidant pour moi. Confortablement assise sur l’estrade près d’autres personnalités politiques de la ville, ce jour-là j’ai été abasourdie par le talent d’orateur de mon père, sa capacité à galvaniser et à entraîner la foule dans son sillage. La salve d’applaudissements qui jaillissait de cette marée humaine après son discours m’a confortée dans cette idée. Mon père avait trouvé sa passion.

En revanche, mon rapport à la politique changea après une rencontre qui regroupait tous les Partis politiques de la ville. À l’occasion, mon père était monté sur l’estrade et avait prononcé un discours partisan. Sa prise de parole fit des vagues au point d’exacerber les tensions avec l’opposition.

Plus tard sans la soirée, mon père reçut un coup de fil l’informant qu’un tas de gens se dirigeaient vers notre villa pour commettre l’irréparable. Je me souviens de cette nuit comme si c’était hier. Toute la famille s’était réfugiée chez un voisin à quelques pâtés de maisons. Après notre départ précipité, une foule en colère avait encerclé notre demeure. Fort heureusement, les gendarmes étaient arrivés à temps pour les empêcher de pénétrer la villa. Aucun dégât matériel n’était à constater le lendemain matin. Aujourd’hui, je vous narre tout ça l’air de rien, mais croyez-moi c’était angoissant.

Oublions cet incident ! Papa est persuadé que je ne suis pas exempte d’une carrière politique. Il m’a clairement fait comprendre que je n’y échapperai pas. Vous seriez surpris du nombre de fois où cela revient dans nos échanges. Je n’ai jamais trop su comment y mettre fin. Pour lui, on peut faire la politique autrement.

On peut faire de la politique en étant loin du palais présidentiel. 

Se lancer en politique ne signifie pas forcément vouloir diriger un pays. Ça tombe bien, je n’ai pas cette prétention. Pour vous dire, je refuse de m’imposer le carcan de « première femme » à se présenter aux élections présidentielles à l’instar des guinéennes Saran Daraba Camara en (2010) et Marie Madeleine Dioubaté  en (2015). L’épithète « première » me rebute quand il est employé pour désigner les ambitions des femmes.

On peut faire de la politique en étant loin de l’hémicycle.

La représentation ne garantit pas forcément la production de lois. Il est intelligent pour un pays d’avoir des femmes à l’assemblée comme mentionnée dans un précédent billet. En revanche, elles doivent sans cesse se battre pour être crédible et pour faire voter des lois.

« Être dans l’associatif, une autre forme de participation politique. »

En vérité, la politique n’est ni plus ni moins que l’ensemble des décisions qui organisent et améliorent positivement la vie des citoyens d’un pays, une région, une ville. Pour Papa, j’ai du tempérament pour changer scrupuleusement les choses. Curieusement, il n’a pas tort sur ma motivation à vouloir faire tout le bien possible, pour autant de gens possibles, par tous les moyens possibles aussi longtemps que possible.

Toutefois, s’il me faut mettre le pied à l’étrier, je n’en ferais pas une carrière mais une sorte de mission. Je ne dirais pas non s’il me faut être dans les pièces où les choses se trament, où les lois se décident, se signent pour être appliquées. Je dis bien « si ». Parce que pour l’instant, nos démocraties sont à déconstruire et reconstruire. Et le chantier est considérable.

Revenons à mon père !  Encore hier soir, il m’informait fièrement qu’il avait été désigné comme représentant de la communauté Kpelle de la localité. « C’est une grande responsabilité » insiste-t-il comme pour chercher mon approbation. Parce qu’il sait pertinemment qu’il est l’heure de raccrocher, de prendre sa retraite loin de la gadoue politique. Mais Papa a l’inaction en horreur.


Déchirée

Déchirée est l’histoire d’une adolescente de 14 ans.

Et toi Doussouba, c’était comment ta première fois ?
Sa nouvelle amie partait d’un rire insouciant.
Elle ne soupçonnait pas le chaos de cette interrogation.
Ta première fois c’était avec qui ? L’aimais-tu ?
Les pensées de Doussouba partaient en dérade.
Le passé renaissait avec son flot d’émotions.

Le temps n’aide pas à guerrir mais à s’habituer !

L’histoire remontait à dix ans.
Elle avait mis cinq années à comprendre ce qui lui était arrivé.
Cinq autres années à panser ses plaies.
Un jour, elle s’était résignée à sauver son âme fracassée.
Aujourd’hui, nouveau départ, nouvelle vie.
Finis les insomnies et les cauchemars agités.
Timidement, son corps et son âme retrouvaient le même langage.
Et puis, cette satanée question.
En une fraction de seconde, le temps se figeait au tour d’eux.
Cette nuit sauvage surgissait de son inconscient. Une porte s’ouvrait sur son secret.
Son esprit se butait à ce passé longtemps refoulé.

Était t-elle prête à faire le récit de son malheur ?

Ma première fois s’avoua-t-elle intérieurement !
C’était le fracas, une effraction dans tout mon être.
La nuit était tiède et la ruelle sombre, je fredonnais un air de Moussolu*
Soudain la silhouette surgissait de nulle part, un sourire imbécile aux lèvres
Tout allait tellement vite. Je tombais à la renverse.
L’homme d’un mètre quatre-vingts m’écrasait de tout son poids.

Ma première fois,
Je hurlais de douleur mais mes hurlements s’unissaient au vrombissement des véhicules
Je pleurais tout mon soûl mais mes pleurs s’élevaient dans un silence général.
J’étais prise dans une toile d’araignée que je tentais vainement de percer.

Ma première fois,
L’homme se dissipait en moi en m’assenant de coups.
J’étais sienne, comme un vulgaire morceau de papier.
Levant mes yeux, je reconnaissais celui qui m’amputait de ma vertu
Non pas lui ! Achève-moi ! Tue-moi ! balbutiais-je !
Rien n’y fit. L’homme demeurait silencieux.

L’agresseur tue toujours deux fois. La deuxième fois par le silence.

Ma première fois,
J’étais souillée, je puais, je sentais la mort, j’agonisais.
Savait-il que je passerais par là . Avait-il murement pensé son acte ?
Le silence de l’homme se solidifiait. Un de ces silences qui laissait parler le regard.
De la fierté se lisait sur ce front luisant de sueur.
Le chasseur s’enorgueillissait de sa chasse.
Fière d’avoir assouvi son appétit sexuel.
Fière de m’avoir possédé et dépossédé.
Fière comme le mont Kilimandjaro.

Ma première fois,
Mes larmes ne tarissaient pas, elles embuaient mes yeux.
Une violente douleur m’ankylosait. Je gisais à demi-morte sur ce sol caillouteux.
Pendant que mon agresseur disparaissait dans la brise de la nuit.
Emportant avec lui toute mon énergie vitale.
L’homme venait d’éteindre en moi toute lumière.
Me condamnant à vivre des jours lugubres.

Ma première fois,
C’était le voisin d’à côté.
C’était le père de meilleure amie.
C’était un cisaillement dans ma chair.
C’était une déchirure dans mon intimité.
Ma première fois, j’ai été violé…

Cette histoire est une fiction. C’est un cri de coeur face à la banalisation du viol en Guinée. Rien qu’au premier semestre 2017, plus de 95 cas de viol ont été enregistrés dans la capitale Conakry. Personnellement, je suis effrayée par les chiffres, je suis exaspérée par tant de sauvagerie. Se gargariser de grands mots et discours ne suffisent plus concrètement. L’intégration des cours d’éducation sexuelle dans les écoles est-elle une réponse ? Cette perspective m’enchante certes mais je reste persuadée qu’il faut une inclusion dans tous les champs. Éduquer oui, mais apporter parallèlement une réponse pénale comme je le précisais dans ce récent thread.

Victime de viol ou d’excision, la jeune fille est souvent assise à la table des malheurs en Guinée. Eu égard aux nombres de victimes, j’en viens à croire qu’elles sont nées pour pleurer éternellement. L’enjeu n’est plus négligeable.

*Moussolu : veut dire femmes, est une chanson de Salif Keïta.


L’école pour forger l’enfant ?

« L’école… l’école… pensais-je ; est-ce que j’aime tant l’école ? » Mais peut-être la préférais-je. L’Enfant Noir, Camara Laye. 

 

En Guinée, l’enseignement primaire est obligatoire pour tous les enfants, mais elle reste néanmoins critiquable. Comme certains le savent, je porte un projet associatif qui a vocation de favoriser le bien-être des enfants. Il y a peu de temps, j’ai été un peu bousculé dans mon élan lors de mes explorations sur les différentes pédagogies africaines. J’ai pris soudainement conscience que, dans mon pays, l’environnement éducatif devenait improductif : vétusté des infrastructures, manque d’équipements scolaires, programmes scolaires inadaptés, problème d’orientation scolaire et j’en passe.

Ce qui est navrant, c’est que les acteurs de l’éducation restent mystérieusement sourds à l’appel d’une refonte du système éducatif. Et pourtant, un impératif lorsque le trio “échec, décrochage et chômage” fait le lit de la pauvreté. En effet, plus de 60% des jeunes de 30 ans sont au chômage en Guinée. Et si par un heureux hasard, les décideurs lançaient une vaste consultation sur la reforme scolaire, je serais la première à apporter une recommandation : celle d’introduire les cours de créativité dès le primaire.  

 

Créativité, Guinée, école
Crédit photo : Unicef.

 

Tout commence par cette question des parents : qu’estce que tu veux faire quand tu seras grand ?

Ce à quoi les enfants répondent “docteur, journaliste, avocat, comptable”… Suivant la réponse de l’enfant, il est vite enfermé dans un moule et poussé vers ces “filières honorables”. Exprimet-il leur propre désir ? De mon expérience non. Ma mère voulait que je devienne pédiatre et mon père économiste. L’un d’eux a peut-être eu raison de moi je dois l’avouer. Je trouve cette question exigeante voire même un dictat. Je préfère celle-ci à la place : qu’estce que tu aimes faire ? Une manière bienveillante d’écouter les enfants.

Inversement, l’école nous apprend à lire, écrire, compter et à nous familiariser avec le monde qui nous entoure. L’élève s’assoit, écoute religieusement, répète, applique les directives, restitue à travers des évaluations, et passe en classe supérieure. En revanche, l’école ne nous apprend pas à nous explorer, à connaître notre talent et à le cultiver au quotidien. Or, le monde professionnel change, les enfants « d’alors » deviendront des jeunes qui auront besoin d’un savoir-faire créatif afin d’assurer le moment venu leur carrière professionnelle.  

 

La créativité des enfants doit s’épanouir à l’école !

Les enfants sont les plus grands créatifs du monde. Ils sont animés de cette toute-puissance qui leur permet de créer “un tout à partir d’un rien”. Et pourtant, de l’enfance à l’adolescence, ils perdent de ce génie du fait de l’environnement éducatif inadapté. Aujourd’hui, notre école se doit de cultiver la créativité des enfants. Du CP en 6e, l’enfant passe le plus clair de ses journées à l’école. Pourquoi ne pas introduire des ateliers créatifs obligatoires dans les programmes du primaire ? Des ateliers manuels et pratiques où l’enfant expérimente l’art, le bricolage, la bande dessinée, la décoration, le cinéma, la danse, la photographie tout en puisant dans les réalités culturelles du pays.

Quelques exemples montrent qu’en Afrique du Sud, les programmes scolaires comportent dès le CP, des cours de “Life Skills”. Cet enseignement de 6h par semaine permet de développer le savoir, savoir-être et savoir-faire des enfants. Il comprend des cours de connaissances de base, d’activités créatrices, d’éducation physique et de cours de bien-être. Les autres systèmes éducatifs africains devraient s’inspirer de cette forme de pédagogie qui met en lumière l’imaginaire des élèves.

D’un côté, je ne me bornais pas à dire non plus que l’école doit tout faire. À la maison, les parents peuvent faciliter le travail des formateurs. Se connecter à leur progéniture à travers des activités ludiques est nécessaire pour stimuler leur curiosité. En Afrique subsaharienne, le pourcentage des familles possédant au moins trois livres pour enfants à la maison est très faible. Il est de 4,9% en Côte d’Ivoire, 3,6% au Cameroun et de 0,4% au Mali. Inversement, le pourcentage des familles possédant au moins deux jouets à la maison reste très élevé au Mali (40%). Dans certains pays comme le Tchad, ce taux atteint les 49% (PNUD, 2013). Naturellement pour la Guinée, il y a pénurie de données chiffrées. 

 

De l’importance d’identifier le profil d’apprentissage de chaque enfant ?  

46% des enfants arrivent en dernière année du primaire en Guinée (un taux de survie de 58,6% selon l’UNICEF). Pourquoi ? À mon sens, certains échecs “peuvent” être expliqués par la façon individuelle d’assimiler les connaissances. En effet, chaque enfant détient un mode préférentiel d’apprentissage. Ce qui fait qu’on distingue les visuels, les auditifs et les kinesthésiques.

Pour illustrer cet argument, rien de mieux que l’exemple d’une séance de révision à la maison avec Aïcha (9 ans en CM1), Mariame (10 ans en CM2) et Amadou (11 ans en 6e). Mariame mémorise sa leçon en faisant des notes. Elle a besoin de visualiser et de synthétiser. Mariame serait donc visuelle. Pour Amadou, c’est tout le contraire. Il mémorise son cours en le récitant, il a besoin de se raconter les idées à voix haute ou basse, de l’entendre dire. Amadou serait donc auditif. De son côté, Aïcha est kinesthésique. Elle apprend plus facilement en bougeant son corps. Pour retenir son cours, elle a besoin de marcher, de gigoter, de mimer ou de dessiner.

En voilà trois enfants au profil de perception différent. Une particularité qui ne peut être décelée à l’école où la culture de nos instituteurs est à la fois généraliste et non bienveillante. Devant une telle scène, il revient donc aux parents de privilégier l’observation, le questionnement, l’écoute de l’enfant et l’empathie. En effet, identifier très tôt le profil de chaque enfant est nécessaire pour mettre en place une stratégie d’apprentissage gagnante. Loin de moi l’idée que cela pourrait prévenir tous les échecs scolaires. Mais cette méthode pourrait être extrêmement fructueuse.  

 

Pour une pédagogie centrée sur le rythme de l’apprenant !

En l’état actuel de l’Éducation Nationale, je reste convaincue que certains enseignements scolaires doivent tirer leurs révérences au profit d’une pédagogie nouvelle. Oui, parce qu’il y a possibilité d’une autre école guinéenne celle centrée sur l’élève. Faire autrement, apprendre l’enfant à se connaître, à développer sa créativité, son esprit d’initiative.  Une école comme un exhausteur de créativité ? Qu’en pensez-vous ?