Pas d’enfants, pas d’avis

Article : Pas d’enfants, pas d’avis
Crédit: Photo by Santi Vedrí on Unsplash

Pas d’enfants, pas d’avis

Je n’ai pas d’enfants

Vous connaissez sans doute la réplique cinglante « pas d’utérus, pas d’avis. » Eh ben ! Je vous en parle parce que, pas plus tard qu’hier, j’ai eu le droit à une réplique de ce genre sur un tout autre sujet : les enfants. Pas d’enfant, pas d’avis », m’avait-on lancé sans que je ne puisse trouver quelque chose à redire. » Et c’est vrai ! je n’ai pas d’enfants pour l’instant. Oui, pour l’instant. Car je compte en avoir deux. Cela étant, j’aime être entourée d’enfants pour apprendre de leur intelligence hors du commun, de leur sagacité et de leur indécrottable franchise. Si je vous confiai que parfois, je ressens ce besoin de retourner en enfance pour la vivre pleinement afin de me préparer à être l’adulte d’aujourd’hui. Que penserez-vous de moi ?

Pas d’enfants, pas d’avis. D’où cela est-il parti ? Je vous explique. Hier, j’ai passé la journée chez Davila, une compatriote guinéenne installée en France. Davila élève seule sa fille de 8 ans (le cliché de la famille monoparentale). Elle reçoit un peu d’aide de sa mère qui n’habite pas très loin d’eux. Depuis que je la fréquente, Davila joue à la fois le rôle de père et de mère pour sa marmaille. Car le géniteur de la petite a choisi de s’installer en Guinée. Il vient souvent rendre visite à Hanah quand l’occasion se présente, aussi rare que cela puisse être. Bref, Hanah ne manque de rien et sait compter sur l’amour inconditionnel de ses deux parents. Pour se rattraper de ne pas être souvent là, le père couvre de cadeaux sa progéniture autant qu’il peut.

Dire non à son enfant en toute bienveillance !

Hanah était devant la télévision, comme à son habitude. Raya et le dernier dragon, c’est ce qu’elle regardait précisément sur Disney plus quand je suis arrivée. Un beau animé, soi-dit en passant. La morale est qu’il faut parfois accorder sa confiance à quelqu’un qui ne le mérite pas à vue d’œil. Facile non ! ? Après le film, Hanah m’invita dans sa chambre pour jouer à un jeu de devinette. Elle en profita pour me confer qu’elle n’aimait plus ses anciens jouets. Les jeux de Lego étaient son nouveau dada. Au téléphone, son père avait trouvé l’idée ridicule. Il en avait parlé à Davila : « notre fille a trop de jouets et il faut qu’elle comprenne que certains enfants n’en ont pas suffisamment ou pas du tout. »

Le souhait de son père était que sa fille offre les jouets qu’elle n’aimait plus à des enfants qui en sont dépossédés. Ainsi, elle pourrait avoir droit à de nouvelles amusettes. La petite avait versé des larmichettes à la seule pensée de se débarrasser de ses babioles. « Ce n’est pas juste« , s’époumona-t-elle. « Ne pleure pas ! Tu auras ton jeu mais il faut que tu attendes le mois prochain », avait promis sa mère. Malgré sa promesse, la fillette ne se voyait pas attendre encore trop longtemps. Il lui fallait absolument des Legos. C’est l’ici et le maintenant qui comptait à ses yeux.

Oui à toutes les caprices de l’enfant ?

Hanah m’avait relaté la fâcheuse histoire sans ciller. Pour mettre fin à son monologue, elle m’avait lancé un de ces regards propres aux enfants (le genre qui vous amadoue) : « Peut-être que toi, tu pourrais me faire ce cadeau. Ils ne sont pas chers tata« , poursuit-elle. « On peut en trouver à moins de trente euros. » Ah, les enfants ! Quelle espiègle, cette Hanah ! Surprise, je n’avais pas pipé mot. En réalité, je rejoignais le père.

J’ai appris en m’intéressant de près et de loin à la cause des enfants que chaque parent éduque sa géniture à sa manière. Puisque chaque enfant est différent, pourquoi existerait-il une seule méthode d’éducation ? Dans ce cas d’espèce, j’ai trouvé Davila un peu top permissive envers Hanah. L’idée du papa n’était pas de priver la petite de nouvelles choses mais de lui faire comprendre qu’elle en possédait trop. Pour avoir un nouveau joujou, il fallait se détacher des anciennes qu’elle ne portait plus dans son cœur. Un mal que je trouvais nécessaire.

Ne faisons pas de la bienveillance ce qu’elle n’est pas : un fourre-tout !

Enseigner ses droits à l’enfant, c’est ce que je fais avec mon association. Je dis souvent aux enfants qu’ils ont des droits que la société doit de respecter. Je leur donne comme exemple le fait que chaque enfant devrait vivre avec ses parents, avoir un logement décent, avoir accès à des soins de santé, aller à l’école, avoir accès à la lecture et aux jouets pour développer sa créativité. C’est le minimum syndical pour chaque petit être.

Par ailleurs, je suis une pourfendeuse de l’éducation stricte basée sur la rigueur et l’autorité, et une adepte d’une éducation positive basée sur la bienveillance. Même si je reste convaincue que dans bien des situations, les parents peuvent se laisser aller à un peu de fermeté envers les enfants. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas au nom de la sacro-sainte bienveillance, céder à tout prix, aux caprices de sa progéniture. La fermeté et la bienveillance peuvent être des alliés d’une éducation positive. Tout dépend de la manière de faire comprendre un Non à l’enfant. Il ne s’agit pas de le rabrouer mais de lui dire Non et de le lui expliquer le pourquoi. Eh Oui. Tout est une question de communication et de manière de communiquer. Évitons à tout prix un Non qui rabaisse l’enfant et adoptons plutôt un Non qui le conscientise et le responsabilise.

Il est du devoir des parents de responsabiliser l’enfant.

J’invite chaque parent à responsabiliser très tôt son garçon ou sa petite fille. À un certain âge, chacun d’eux doit avoir une notion du mal et du bien, du vide et du plein, du trop et du peu et parfois de l’empathie et de l’antipathie. Le premier pas serait peut-être de mettre les enfants face à leurs privilèges et de les expliquer qu’il en est autrement pour certains de leurs congénères dans d’autres parties du globe. Avec un langage qui leur sied, avouons à ces innocentes âmes que le monde n’était pas juste et que les droits de tous les enfants n’étaient pas respectés. Pendant que les uns vivent décemment, certains vivent dans le dénuement le plus total et d’autres tirent le diable par la queue. Vous me direz ! ce ne sont encore que des enfants ! Je vous rétorquerai qu’il serait vain d’instaurer des digues entre la réalité du monde et la réalité des enfants. Parce que nos petits devinent tous sous leur front lisse.

Revenons à Davila. Je l’ai trouvée trop indulgente avec son enfant. Ce laxisme latent trouvait-il son origine dans l’éducation qu’elle-même avait reçue ? Je m’interroge. Davila n’avait pas connu son père. Elle avait grandi avec sa mère le temps de son enfance. Davila l’avoue de son gré : elle avait manqué de règles et d’autorité dans son parcours. Elle avait toujours fait ce qu’elle voulait. Personne n’était présent pour lui dire non. Davila était-elle en train de reproduire le même schéma d’éducation avec sa fille ? On dirait bien que oui. 

L’enfant a besoin de cadre dans son environnement.

Un enfant a besoin que ses parents, l’un de ses parents ou quelqu’un de son entourage fasse preuve d’un peu de fermeté pour tempérer ses ardeurs. Mon amie Davila ne l’entendait pas de cette oreille. Hanah pouvait avoir les legos sans pour autant se séparer de ses autres.

« Josette ! » bredouilla Davila. « Il est bien d’être entourée d’enfants. Mais ce ne sont pas tes enfants. Tu ne comprendras que quand tu auras le tien. Tu verras que l’enfant demande sans cesse de nouvelles amusettes. Ils sont comme ça. Ils s’en lassent facilement des anciens. C’est ça, aussi, un enfant.« 

J’acquiesçais sans broncher. Mais elle avait continué de plus belle : « pas d’enfant, pas d’avis. On en parlera quand tu en auras un. Si tu crois que c’est si facile.« 

Ça c’était dit et ça avait le mérite d’être clair. Pas d’enfants, pas d’avis. À bon entendeur !

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