J’ai redoublé une classe !

Article : J’ai redoublé une classe !
Crédit: Ben White.
13 juin 2022

J’ai redoublé une classe !

J’ai redoublé une classe ! C’était ma 5e année de primaire. Du moins, j’ai préféré redoubler. En effet, j’ai passé le dernier trimestre de l’année, alitée. Je n’ai donc pas passé l’examen de passage en 6e. Pour mes parents, il était inconcevable que je rate mon année car je faisais partie des meilleures de ma promotion. L’école et mes parents s’étaient accordés pour prendre en compte mes notes du précédent trimestre. J’ai tout bonnement rejeté cette alternative dès la seconde où j’en ai eu vent. Fière, j’ai préféré redoubler et travailler de toutes mes forces pour valider mon année. Pour moi, je ne méritais tout simplement pas cette faveur.

Redoubler d’efforts pour y arriver

J’ai redoublé une classe ! Comme pour me punir, j’ai prié mes parents de ne m’acheter aucune nouvelle fourniture scolaire. Après un premier trimestre mitigé, j’ai fini par valider ma 5e année avec brio. J’ai réussi à surmonter cet échec grâce à mon père et à mon instituteur. Pourquoi mon père ? Parce que c’est lui qui assurait le soutien scolaire après l’école. C’est celui qui chaque soir me faisait faire réviser devant le tableau noir. Ses méthodes étaient assez sévères et discutables mais ça finissait toujours par payer. Pourquoi mon instituteur ? Parce qu’il faisait partie de ceux que j’appelle des éducateurs consciencieux.

Remonter la pente grâce à des enseignants consciencieux (et bienveillants)

J’ai passé ma scolarité (comme vous d’ailleurs), dans des écoles traditionnelles où tous les écoliers devaient mémoriser les mêmes choses, de la même façon, au même rythme en faisant fi de leur personnalité. Il y avait une pédagogie unique et non différenciée. C’était comme cela et pas autremment. Seule une poignée d’instituteurs prenaient le temps d’approcher individuellement l’enfant, de l’expliquer en répétant autant que possible. Malheureusement, avec une trentaine (ou plus) d’écoliers par classe, la tâche était assurément ardue.

L’école doit être un moyen d’arracher les enfants à leur condition et d’en faire des enfants qui sauront changer leur condition.

Lu quelque part.

Reconsidérer l’erreur de chaque apprenant !

J’ai eu le déplaisir de remarquer que tous les autres redoublants n’avaient pas la même attention dont l’instituteur me gratifiait. J’étais à la fois enchantée et désabusée surtout pour l’un de mes camarades. Il s’appelait Emmanuel. C’était un réfugié politique d’origine Sierra léonaise. Ses parents avaient fui la guerre pour chercher une meilleure vie en Guinée. Il ne parlait pas couramment le français mais excellait en anglais. Il s’intégrait à sa manière quitte à paraître parfois bavard et perturbateur en classe. Ce qui en fit certainement le souffre-douleur de l’enseignant. Il était moqué et décrié quoi qu’il fasse ou quoi qu’il dise. Emmanuel collectionnait des mauvaises notes comme on collectionnait les timbres.

Né sous une mauvaise étoile ?

Je vous parle d’Emmanuel pour vous dire qu’il n’était pas un cancre comme on pouvait le penser. Il était intelligent à sa manière. Ce cher Emmanuel adorait les travaux manuels et se rêvait en ébéniste. Et si c’était à l’école de s’adapter à lui, et pas seulement l’inverse ? Cela me fait penser à l’histoire de Sékou, le meilleur ami de Gustave dans le roman « Né sous une bonne étoile » de l’autrice Aurélie Valognes.

Sekou rêvait d’être astronaute. Mais comme il portait des lunettes, un oncle lui avait dit que c’était impossible. Donc il abandonna son rêve et se prit de passion pour les dinosaures. Il voulait désormais être paléontologue. Cependant, un autre imbecile de sa famille lui avait dit que ce n’était pas un métier d’avenir car on avait déjà tout découvert, donc il changea à nouveau de rêve. Au final, Sekou finit par perdre son rêve de vue.

Ceux qui ont lu le bouquin connaissent la fin de l’histoire. Bref, tout ça pour vous dire qu’on en demande beaucoup aux élèves. On les demande d’être excellents avec tous ces petits cailloux qu’on glisse dans leurs chaussures.

Le mode d’emploi c’est l’écolier. Suivez-le donc à la lettre !

Sans chercher à devenir un érudit sur la question d’éducation positive, je crois en mon for intérieur que chaque écolier est unique. En matière d’acquisition de savoir, ce qui marche pour l’un ne marchera pas forcément pour l’autre. Je crois aussi qu’il n’y a pas de méthodes « toutes faites » en matière d’enseignement. L’instituteur étant l’adulte accompagnateur doit apprendre à observer l’enfant pour connaitre son mode d’emploi. Attention ! Les parents ne sont pas en reste car l’école ne fait pas tout. Moi, j’ai eu la chance d’avoir des parents présents qui m’ont donné la meilleure des éducations. Mon père était mon professeur particulier.

Chers enfants ! N’ignorez pas vos dons naturels par ce que l’école les a ignorés.

En écrivant ce billet, j’ai pensé à Emmanuelle. Qu’est-il devenu au gré des années ? Aurait-il trouvé son chemin ? Considéré comme une tête à trous pendant toute sa scolarité, j’espère qu’il a désormais pris sa revanche sur la vie. J’emprunte “tête à trous” à la pédagogue et autrice Anne-Marie Gaignard. Dans son livre “la revanche des têtes à trous”, elle raconte que lorsqu’elle avait 6 ans, l’enseignante l’avait surnommée “tête à trous” parce qu’elle était incapable de retenir quoi que ce soit. L’écolière qu’elle fut, s’imaginait une tête en forme de passoire où toutes les informations qu’elles ingurgitaient, arrivaient quand même à s’échapper par des petits trous.

Sans le vouloir, le monde peut détruire la sagesse au coeur de chacun.

Wole Soyinka.

Moi je dirai ! Sans le vouloir, l’école peut détruire la confiance en soi de l’enfant. Qu’en pensez-vous ? Pour moi, la vocation de l’école n’est pas de brimer les talents des enfants. Au contraire, elle devrait les renforcer. Je fais allusion à tous les élèves avares en paroles qui se retrouvent enfermés dans des cases trop étroites. Bête, fainéant, idiot, attardé…tant d’étiquettes qui les collent à la peau et qui font que, l’enfant traverse l’école comme un terrain miné. L’école ne devrait pas ignorer que les mots ont un pouvoir sur l’apprenant : ils consolent, blessent ou réparent. Quant aux enseignants, ils devraient, apprendre à encourager, à valoriser et à offrir à l’enfant toutes les chances de réussite. Soulignons-le ! L’enfant qui a confiance en lui, apprend vite et mieux.

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